Louis-André Richard, professeur de philosophie ̶ Cégep de Sainte-Foy

Description

Essentiellement, la réflexion éthique et politique porte sur la délibération des choses qui dépendent de nous et que nous pouvons réaliser. Or dans le cadre des délibérations affectant les soins de fin de vie, au cœur de l’accompagnement effectif, notre espace délibératif est très restreint. Il doit composer avec l’imminence de la mort. Nos délibérations et nos choix sont conditionnés par cela et nous voyons souvent poindre des difficultés particulières liées à la coexistence de libertés individuelles à géométrie très variable. Dans nos sociétés civiles, l’opinion publique exprime une conception de l’autonomie personnelle à l’aube de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirmant que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Dans nos communautés palliatives, cela se traduit parfois par la réclamation des patients au soi-disant droit d’être laissés seuls (autonomie individuelle) et à celui d’honorer inconditionnellement toutes ses demandes, incluant celle d’une aide médicale à mourir. À ce principe s’oppose celui de bienveillance, au cœur des préoccupations des accompagnants, et qui fait résistance à l’acquiescement pur et simple à ce type de revendications. Il s’en suit ce que nous nommons ici le choc des autonomies où le vécu de la fin de vie ne fait pas sans heurts importants. Que signifie alors ne pas nuire à autrui ? Qu’en est-il à l’égard du patient dans ce qui lui reste à vivre; à l’égard des familles dans la perspective de survivre aux circonstances de la manière dont leur proche est mort; à l’égard des soignants dans leur devoir d’assistance comme dans celui du respect de la loi et eux aussi dans la nécessité de vivre avec le poids moral d’avoir posé un geste euthanasique, le cas échéant ? Notre communication propose une réflexion visant à renouveler notre approche du respect de l’autonomie. Il s’agit de revisiter les fondements de cette notion, si importante dans nos délibérations, mais si approximative dans sa compréhension effective. Nous croyons que la culture palliative offre un terreau fertile où l’expression des libertés individuelles ne saurait jamais faire l’économie de la rencontre et du partage avec autrui. Nous y voyons une force à transmettre à la société civile, et en même temps, nous y discernons une grande fragilité. Il y a le risque de perdre cet avantage à la faveur des pressions sociétales propulsant, par exemple, l’ouverture aux pratiques euthanasiques. Nous sommes donc conviés à délibérer pour mieux saisir, transmettre et partager notre héritage dans nos lieux de soins et jusque dans l’espace public. Là où les repères de l’expression de l’autonomie tendent à se perdre dans l’individualisme, nous plaidons pour une prise en charge renouvelée de repères pérennes résolument tournés vers l’autre et la recherche du bien pour tous. Tel est l’apport de la philosophie politique à l’effort d’établir une culture palliative signifiante.

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