lettre de l’AQSP et de la SQMDSP à la commission sur les soins de fin de vie

Le 8 janvier 2018, l’Association québécoise de soins palliatifs (AQSP) et la société québécoise des médecins en soins palliatifs (SQMDSP) ont écrit à la Commission sur les soins de fin de vie pour faire part de leurs préoccupations concernant la mise en application du volet soins palliatifs du Plan de développement 2015-2020. Ci-dessous, vous pouvez lire le texte de cette lettre.

Aux membres de la commission sur les soins de fin de vie

OBJET : Préoccupations de l’Association québécoise de soins palliatifs (AQSP) et de la SQMDSP

Bonjour,

Il y a déjà plus de deux ans, le Ministre de la Santé et des Services Sociaux nous présentait le document « Soins palliatifs et de fin de vie, Plan de développement 2015-2020 ». L’ AQSP et la SQMDSP, comme plusieurs autres regroupements, ont alors accueilli favorablement ce plan d’actions. L’Association y retrouvait, sous la priorité 2 – Assurer l’équité dans l’accès aux services de soins palliatifs et de fin de vie – l’essentiel de sa mission.

Par ailleurs, alors que nous sommes à mi-chemin de l’application du plan d’actions ministériel et bien que nous sachions que plusieurs groupes de travail s’appliquent à faire avancer la mise en place de ce plan, force est de constater que la réalité terrain, partagée entre nos différents milieux de soins palliatifs, ne semble pas vouloir s’améliorer de façon significative.

Notre expérience dans la recherche d’informations nous permettant de mesurer les résultats concrets de l’application du plan de développement est laborieuse. L’AQSP est très concernée par l’accès à des soins palliatifs de qualité pour tous, mais nous ne disposons d’aucune mesure précise nous permettant d’apprécier et d’analyser la mise en place du plan, volet Soins Palliatifs. Nous sommes étonnés de cette situation d’autant que nous nous considérons comme un partenaire majeur en soins palliatifs au Québec.

Par contre, il nous apparaît beaucoup plus aisé d’obtenir un tableau précis en ce qui a trait aux activités liées à l’Aide Médical à Mourir (AMM). Ces données nous indiquent que la très large majorité des gens, pour ne pas dire presque toutes les personnes répondants aux critères d’admission, y ont eu accès. Cela confirme, de façon précise, l’application du plan de développement en ce qui concerne le volet AMM. Nous nous questionnons sur les efforts et les ressources mis en place afin de rendre accessible pour tous l’AMM, partout au Québec, ainsi que la rigueur à en rendre compte, par rapport aux ressources investies à ce jour en ce qui a trait aux soins palliatifs de fin de vie. La réalité des soins palliatifs en CHSLD témoigne de ces manquements qui préoccupent particulièrement l’AQSP et la SQMDSP. L’absence de couverture médicale dans plusieurs CHSLD est inacceptable et contraire aux objectifs de la Loi sur les soins de fin de vie précisant que toute personne en fin de vie a le droit de recevoir des SPFV de qualité. Cette situation est malheureusement une conséquence directe de l’absence de reconnaissance de la prise en charge de cette clientèle en médecine familiale.

Nous souhaiterions pouvoir observer une même volonté de mis en application du plan de développement (PDSPFV) pour les soins palliatifs. L’absence de données précises en ce qui concerne ces soins est en soi inquiétant. Actuellement, plusieurs milieux de soins ne peuvent offrir des soins palliatifs de fin de vie, tels que présentés dans le PDSPFV, ce qui nous semble tout à fait non équitable pour la population.

Les priorités 2 et 4 du plan de développement des SPFV * devraient à ce jour être réalisées ou minimalement « monitorées » afin d’assurer un suivi au même titre que le suivi concernant l’évolution de l’AMM au Québec.

Il nous semble important que la commission soit saisie de nos préoccupations. Nous avons besoin de soutenir le volet soins palliatifs du plan de développement autant que le volet AMM. C’est seulement lorsque nous offrirons équitablement les deux options de soins de fin de vie aux québécois qui en ont besoins que nous pourrons véritablement parler de choix libre et éclairé.

Vous remerciant pour l’attention que vous porterez à cette situation,

Louise La Fontaine md PhD, Présidente AQSP

Christiane Martel md, Présidente SQMDSP

*Priorité 2 Assurer l’équité dans l’accès aux services de SPFV

*Priorité 4 Faciliter le maintien dans son milieu de vie de la personne en SPFV

 

Les soins palliatifs pédiatriques: une médecine humaine, Entretien avec la Dre Bissonnette-Roy

Caroline Bissonnette-Roy, omnipraticienne qui a récemment terminé sa résidence en médecine familiale, nous parle de son expérience en soins palliatifs lors de son parcours. En effet, la Dre Bissonnette-Roy a effectué plusieurs stages au Phare Enfants et Familles de Montréal, où elle a acquis de l’expérience en soins palliatifs pédiatriques. Elle nous fait part de sa motivation à travailler dans ce domaine, ainsi que des défis particuliers que les médecins peuvent rencontrer dans la pratique et la formation en soins palliatifs.

Question : Parlez-nous de votre parcours. Pourquoi vous intéressez vous aux soins palliatifs?

Je viens de terminer ma résidence en médecine familiale mais mon intérêt pour les soins palliatifs remonte plus loin. Lorsque j’étais au CEGEP, j’ai fait du bénévolat au Phare Enfants et Familles de Montréal, qui offre aux enfants nécessitant des soins palliatifs pédiatriques l’ensemble des soins et services tout au long de leurs vies, ainsi que des services de soutien et de répit pour leurs familles. J’ai également fait du bénévolat pendant mes études en médecine, au Phare puis au Centre de réadaptation Marie Enfant affilié au CHU Sainte-Justine. J’ai aussi eu des expériences en soins palliatifs avec des adultes au cours de mes stages en médecine, notamment à la maison de soins palliatifs Victor Gadbois et à l’hôpital Pierre Le Gardeur.

Les soins palliatifs pédiatriques m’intéressent beaucoup. J’ai surtout appris sur le terrain, c’est une discipline où le contact humain prime. Mais c’est une pratique négligée, surtout en pédiatrie. C’est une réalité qu’il y a des enfants qui ont des maladies neurodégénératives ou qui vivent avec un cancer, qui ont besoins de soins et de soutien tout au long de leurs vies. Mais c’est également un tabou; lorsque je discute de cette spécialisation, beaucoup de gens me disent «je ne pourrais pas faire ça, ce serait trop dur». Je pense que les mentalités dans notre société moderne ont évolué lorsqu’il s’agit de parler des soins palliatifs pour les adultes. Un exemple flagrant est l’aide médicale à mourir qui est maintenant possible. En ce qui concerne la pédiatrie mon expérience me laisse croire que nous sommes encore loin d’une acceptabilité sociale d’une approche palliative.

Question : Trouvez-vous que le sujet des soins palliatifs a été suffisamment abordé au cours de vos études? La formation vous semble-t-elle suffisante dans ce domaine?

La formation médicale doctorale est beaucoup axée en milieu hospitalier. Les soins palliatifs appartiennent à une médecine plus large et plus humaine où on se concentre moins sur le diagnostic et l’approche thérapeutique, mais plutôt sur le dialogue avec le patient, c’est une médecine plus à l’écoute de la population. On prend le temps d’être à l’écoute des gens, ce qui peut parfois s’avérer beaucoup plus difficile lors de grandes tournées de médecine interne.

Lors des cours théoriques, nous n’avons pas beaucoup abordé l’approche palliative ainsi que les médicaments d’usage commun en soins palliatifs. Cependant, depuis que j’ai fini mes études doctorales, le cursus a changé et je pense que c’est un peu mieux intégré. Pour faire des soins palliatifs, il faut souvent aller chercher soi-même des stages avec cette option. Pour ma part, je pense que tous les médecins en formation devraient passer par un minimum de formation en soins palliatifs.

Durant les études postdoctorales, dont la résidence en médecine familiale, toutes les unités de médecine familiale doivent offrir une exposition en soins palliatifs qui peut se traduire en stages en maisons de soins palliatifs, en unité d’hospitalisation en soins palliatifs et en cliniques externes. Les médecins de famille font aussi souvent des soins palliatifs indirectement, lorsque nous prodiguons des soins à domicile. Il y a également quelques congrès, mais lors des journées pharmacologiques des universités les soins palliatifs sont rarement mentionnés. L’offre de formation continue dans ce domaine pourrait être étendue afin de poursuivre nos acquis en arrivée en pratique.

Question : Quelle a été votre expérience au Phare Enfants et Familles?

Le Phare Enfants et Familles de Montréal

Le Phare est un endroit très spécial et important pour moi. J’y suis passée à chaque étape de mon parcours et cela m’a beaucoup définie en tant que médecin. C’est un endroit chaleureux et empathique, tout le monde travaille fort pour le bien-être des enfants. Bien sûr, j’ai vu l’état de certains patients se dégrader et c’est bouleversant à chaque fois. Une grande partie des enfants qui sont au Phare ont des maladies neurodégénératives, donc c’est une approche différente de la pédiatrie «classique» : moins par la parole seule, plus par le toucher, la stimulation tactile, les couleurs, la musique, etc. On doit apprendre à communiquer avec eux autrement pour comprendre les besoins de l’enfant, que ce soit de la douleur ou de la faim. Au début, c’est intimidant! Avec le temps, je suis devenue plus à l’aise et j’ai également partagé cette expérience avec des nouveaux bénévoles du Phare. Il y a beaucoup de petites victoires. En soins palliatifs pédiatriques, le contact avec la famille est également très important, on doit beaucoup expliquer aux parents et apprendre à discuter des choses difficiles, ainsi qu’à les accompagner et les soutenir dans une des épreuves les plus difficiles de la vie. Depuis ma graduation, j’ai consacré les premières semaines de ma pratique à la prise en charge de patients en Montérégie. J’espère vivement que ce n’est pour moi qu’une question de temps avant de trouver une stabilité en ce début de pratique pour rejoindre l’équipe du Phare!

Entretien réalisé par Laurène Souchet, coordonnatrice de l’AQSP