Entretien avec Sœur Luz Marina Rojas Arango, coordonnatrice des bénévoles à l’hôpital Marie-Clarac – « Je suis présente pour créer des liens de confiance »

Soeur Luz Marina Rojas Arango

Quel a été votre parcours ? Depuis combien de temps êtes-vous coordonnatrice des bénévoles ? Pourquoi avoir choisi les soins palliatifs ?

Je suis religieuse. J’appartiens à la congrégation des Sœurs de Charité de Sainte-Marie, la communauté qui a fondé l’Hôpital Marie-Clarac en 1965. En 2014, a été inauguré le pavillon Mère Anselme pour le service de soins palliatifs Oasis de paix, nom de notre unité. J’ai une formation de technicienne en soins infirmiers dans mon pays d’origine.

J’ai commencé comme bénévole à l’hôpital Marie-Clarac, et petit à petit je me suis découvert un don pour les soins palliatifs. J’ai fait la découverte de la force de la vie à travers la faiblesse et la mort comme un chemin vers la vraie vie.

Lorsque la précédente responsable des bénévoles a quitté son poste, on me l’a proposé et j’ai accepté.

Pourriez-vous décrire le rôle d’une coordonnatrice des bénévoles ?

En tant que coordonnatrice des bénévoles, j’ai un rôle technique et un rôle de soutien. Pour la partie technique, il s’agit de faire le lien avec les institutions partenaires, assurer le recrutement et la sélection des nouveaux bénévoles, ainsi que leur formation initiale et continue. Au jour le jour, je soutiens les bénévoles, je suis présente pour créer des liens de confiance, je les épaule et les conseille quand ils sont confrontés à des situations particulières. Certaines situations en soins palliatifs sont difficiles à vivre, alors les bénévoles doivent être aidés et outillés, c’est un apprentissage continu. Pour moi, chaque bénévole est très important, j’essaie de faire découvrir à chacun son potentiel et les outils qui lui sont propres.

Selon vous est-ce que les bénévoles sont suffisamment bien outillés actuellement, ou auraient-ils besoin de plus d’encadrement, de plus d’occasions de formations continues, etc. ?

La formation est toujours bénéfique et nécessaire pour se ressourcer, se questionner et améliorer les pratiques. Il y a déjà des formations disponibles avec des institutions partenaires, mais les soins palliatifs, c’est un océan, et nous avons toujours besoin d’avancer.

Avez-vous une expérience qui vous a particulièrement touchée dans le cadre de votre travail ?

Aux soins palliatifs, je vis de nombreuses expériences enrichissantes, tant avec les usagers et leur famille qu’avec les bénévoles.

Pour moi, chaque usager est un univers riche en expériences, et à travers eux, chaque fois, je découvre la force de la vie cachée dans les visages parfois défigurés par la maladie.

Comment oublier et ne pas être touchée par les usagers qui, pour chaque petit geste de délicatesse, malgré la fatigue me regardent avec un petit sourire reconnaissant, les visages de ces personnes qui se sont endormies entre mes mains et qui ont avec certitude reçu tout mon amour et tout mon respect comme dernier geste avant d’entrer définitivement dans la vraie vie.

Comment ne pas être touchée par les milliers de mots de remerciements de tant de familles qui se sont senties accompagnées, respectées, soutenues et aimées dans un des moments les plus difficiles qu’une personne puisse vivre : la perte d’un être cher.

Comment ne pas être touchée par les bénévoles qui se dévouent auprès des usagers : je revois l’image de telle bénévole qui coiffe délicatement les cheveux d’une usagère avec une douceur, une tendresse et un amour qui m’ont arraché des larmes, ou tel autre bénévole qui, tous les matins, a emmené M. X. qui ne se sentait plus bon à rien, chercher des journaux à l’entrée de l’hôpital pour les distribuer dans les chambres et au poste des infirmières. Comment ne pas être touchée par l’amour débordant des bénévoles, ces personnes qui, printemps, été, automne, hiver, laissent le confort de leur foyer pour offrir le meilleur d’elles-mêmes. Comme me disait un jour le fils d’un usager « vos bénévoles, sont des cœurs sur deux pattes ».

Vous participez au comité des coordonnatrices organisé par l’AQSP, qu’est-ce que vous apporte cette expérience ?

En effet, je participe au comité de l’AQSP qui réunit les coordonnatrices de bénévoles, à chaque fois que je reviens d’une réunion je me sens mieux outillée. Ce comité permet d’élargir mes horizons : on y apprend de nouveaux moyens, des éléments de savoir-être et de savoir-faire. Je suis très heureuse de pouvoir échanger sur nos pratiques, car mes expériences peuvent enrichir le travail des autres, comme les leurs enrichissent le mien. Nous avons des dilemmes communs, et grâce à ce groupe je me sens moins seule dans mon rôle avec cette occasion d’échanger. Cela permet aussi de comparer comment cela se passe dans les autres institutions, d’avoir des idées pour aider notre institution à évoluer.

D’après votre expérience, quels sont les grands enjeux pour l’avenir des soins palliatifs au Québec ?

Hôpital Marie-Clarac

Je pense que les unités de soins palliatifs répondent à un besoin très important de la société. Les usagers en fin de vie et les familles sont vulnérables; ils ont des besoins à la fois globaux et très spécifiques auxquels le personnel soignant et les bénévoles doivent s’adapter. Il y a des institutions qui existent depuis longtemps, mais il n’y en a pas encore assez pour répondre aux besoins de la population.

Un autre enjeu important est le manque de connaissances; l’ignorance et les préjugés concernant les soins palliatifs sont un cocktail qui favorise ce que j’appelle la mythologie qui entoure la fin de la vie et les unités de soins palliatifs, perçus à tort comme des lieux de douleur, de souffrance et de mort, alors qu’au contraire, les soins palliatifs sont des lieux de vie, où l’être humain devient plus humain que jamais, où la vulnérabilité devient un espace de rencontre, d’amour et de partage.

La personne en fin de vie a beaucoup à donner et à recevoir, la maladie et la douleur n’enlèvent ni l’amour, ni la vie, ni la richesse de l’être profond de chaque personne.

Entretien avec Line St Amour, Psychologue « C’est important d’introduire de l’humanité dans une fin de vie. »

Dre Line St Amour, psychologue

Dre Line St Amour est psychologue en oncologie et en soins palliatifs au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), elle a également rédigé deux contes : « Luron apprivoise les forces de l’espoir : Démarche curative » et « L’amour pour toujours : Démarche palliative » pour permettre aux enfants et aux parents de communiquer à propos de la fin de vie. Elle est aussi engagée bénévolement au sein du comité congrès de l’AQSP.

Quel a été votre parcours? Depuis combien de temps travaillez-vous avec des personnes en fin de vie et/ou leurs proches? Pourquoi ce domaine vous a-t-il particulièrement interpellé?

C’est un domaine qui m’a interpellé depuis l’enfance. J’ai vécu dans cette réalité très tôt auprès de membres de ma famille qui étaient très malades, notamment mes grands-parents, un oncle et une tante handicapés qui vivaient tous avec nous. Lorsque j’ai fait mon doctorat en psychologie, je me suis ainsi concentrée sur un sujet en lien avec mon vécu, le deuil. J’ai donc fait du bénévolat à l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Royal Victoria et y ai joint mon projet de recherche doctorale. Depuis un très jeune âge, je me pose des questions au sujet de la fin de vie. Je cherche à comprendre le processus d’attachement et de séparation. Je tente de saisir l’indicible. Au terme de mes études, j’ai enseigné à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais en géronto-thanatologie. Par la suite, j’ai travaillé 10 ans en CLSC dans une équipe de psycho-gériatrie et me voilà maintenant au CHUM depuis 17 ans à titre de psychologue clinicienne en oncologie et soins palliatifs.

 Selon vous, quelle est la contribution des psychologues en fin de vie?

La psychologie apporte une approche et une vision différentes de la maladie, de la mort et de la vie. C’est une discipline qui prend en compte le lien d’attachement, le détachement, les caractéristiques propres à la personne, sa personnalité, et tout ce qui est d’ordre psychique comme les rêves et les fantasmes. La contribution du psychologue c’est de pouvoir ouvrir un espace pour que les patients puissent parler de ce qui ne se dit pas socialement. C’est aussi permettre au patient de comprendre le rapport à son corps, l’importance des liens affectifs, les images qui l’habitent. Dans le contexte particulier des soins palliatifs, il s’agit de soutenir les personnes malades face à leurs souffrances, leurs peurs et de les accompagner jusqu’au bout de leur vie.

Les psychologues peuvent intervenir à différents moments du parcours. Par exemple, nous sommes souvent appelés à aider les patients à surmonter l’arrêt des traitements et faire la transition vers des soins palliatifs. Nous travaillons également avec les patients à favoriser l’intégration de cette expérience à leur histoire de vie,  à donner sens à cette expérience et à ouvrir une voie au processus du deuil de soi et de sa propre vie.

Est-ce que tous les patients en soins palliatifs et leurs proches ont besoin d’accompagnement psychologique en fin de vie?

 La proportion de patients qui reçoivent ces services est très minime. Tous les patients en fin de vie ont besoin d’un accompagnement psychosocial ou humain, mais pas forcément par un professionnel de la santé. Un membre de la communauté ou un bénévole peut jouer un rôle important. Je suis formatrice au CHUM dans un programme spécialisé en soins palliatifs, et je forme notamment des bénévoles auxquels je signifie souvent que leur rôle auprès des patients est avant tout d’être des représentants de l’humanité. C’est important d’introduire de l’humanité dans une fin de vie. En revanche, des professionnels sont nécessaires dans des situations plus complexes.

 Pensez-vous que l’accès à des soins palliatifs qui prennent en compte la dimension psychologique est suffisant actuellement au Québec, ou y a-t-il des lacunes?

 L’accès aux soins palliatifs est déjà limité pour les patients, et dans le peu de ressources qui existent, il y a peu de services psychologiques. Je pense que c’est insuffisant, et même inquiétant. Avec l’avènement de la loi 2 sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie, il est important qu’on remédie à cette situation.

 Vous avez mis en place un projet* pour aider les parents avec un diagnostic de cancer et leurs enfants à communiquer, pouvez-vous nous en parler?

C’est un projet que j’ai amorcé vers 2010. Dans mon expérience clinique, j’ai vécu des situations difficiles avec des familles et je souhaitais mieux les outiller et offrir un accompagnement aux parents atteints de cancer. Cela a commencé avec la publication de 2 contes et un guide en 2013. Je travaille actuellement en collaboration avec l’UQAM (Dre Mélanie Vachon) et l’Université de Sherbrooke (Dre Déborah Hummel) sur un projet de recherche concernant cette thématique. Parallèlement à ça, notre équipe de psychologues travaille à développer un site WEB pour rejoindre le plus grand nombre de familles. Deux fondations nous aident dans ce projet, notamment celle du CHUM et la Fondation Virage. Nous souhaitons poursuivre avec le développement d’une bande dessinée pour les adolescents. De nos jours, les livres ne sont plus suffisants. Il faut se tourner vers d’autres médias pour rejoindre les familles plus éloignées vivant en région.

Il y a maintenant une journée nationale du deuil au Canada, pensez-vous que le deuil est bien pris en charge pour les familles où il y a eu un décès?

Actuellement le deuil n’est pas bien pris en charge à cause du manque de ressources. Autrefois, le CHUM offrait un tel service, ce n’est plus le cas. Les organismes communautaires font un excellent travail mais ne suffisent pas à la tâche. Par ailleurs, certains organismes ont dû fermer leurs portes faute de fonds ( ex. : la Maison Monbourquette et Parents-Étoiles). On gagnerait à ce qu’il y ait d’avantages de services, car un deuil peut être très éprouvant tant au niveau affectif que psychologique. Les proches doivent parfois interrompre leur vie active de façon prolongée. À l’aide de services adéquats cela pourrait être évité. En tant que société, nous serions en mesure de mieux soulager ces personnes.

 Avez-vous eu une expérience qui vous a particulièrement marqué avec des patients en soins palliatifs au cours de votre carrière ?

 Je me souviens particulièrement d’une jeune patiente de 27 ans qui avait un cancer du cerveau. Elle avait un imaginaire débordant et était une grande altruiste. Elle a perdu l’usage de ses jambes, puis de la parole. Elle a fait preuve de résilience et est toujours restée bien connectée à la vie. Cette patiente a été un professeur pour moi. J’ai beaucoup de gratitude envers elle. Il y a des gens qui ont une richesse intérieure immense pour faire face à leur réalité. Mais il y a aussi des situations qui demeurent conflictuelles. Une femme en soins palliatifs qui avait la quarantaine était en rupture avec sa famille et avait une relation difficile avec sa mère. Il n’y a pas eu de réconciliation possible. Elle avait même interdit à sa mère de se présenter à ses funérailles. Un jour, après le décès, sa mère m’a contactée et j’ai alors été témoin d’une grande détresse, c’était extrêmement triste. Nous n’arrivons pas toujours à dénouer toutes les impasses.

Avec les patients en soins palliatifs, chaque rencontre est unique. On est témoin de moments marquants que ce soit des fous rires ou des moments de tristesse et d’impuissance. Le grand défi pour les psychologues est d’être en mesure de tolérer le mal-être qu’on peut parfois éprouver face à de grandes souffrances et de l’intégrer rapidement afin de pouvoir se rendre disponible au patient suivant. C’est important d’être capable de reprendre rapidement son équilibre pour accueillir les patients qui succéderont, dont la réalité est tout aussi importante que le patient précédent.

*Plus d’information sur le projet « Luron, mon compagnon » ici : http://viragecancer.org/luron-mon-compagnon/

 

Entretien avec Sylvie Lepage, massothérapeute « accompagner les personnes pour qu’elles se sentent plus confortables »

Sylvie Lepage, Massothérapeute

Sylvie Lepage est massothérapeute, elle pratique en clinique privée, dans des centres hospitaliers du Bas-St-Laurent en collaboration avec l’Association du Cancer de l’Est du Québec, pour Leucan dans le service de massothérapie à domicile et pour la fondation de la Fédération Québécoise des Massothérapeutes. Elle est également directrice et formatrice pour Arborescence qui forme les massothérapeutes qui souhaitent se spécialiser auprès de la clientèle atteinte de cancer ou en soins palliatifs. Dans cet entretien, elle explique la place de la massothérapie dans les soins palliatifs.

Quel a été votre parcours? Depuis combien de temps travaillez-vous avec des personnes ayant des maladies incurables ou en fin de vie? Pourquoi ce domaine (la fin de vie) vous a-t-il particulièrement interpellé?

Je suis massothérapeute depuis 1998. Auparavant, j’étais travailleuse sociale. C’est la maladie de mon conjoint en 1994 qui m’a fait découvrir la massothérapie et qui a été le point de départ. J’ai par la suite suivi une formation spécialisée avec Mme Lyse Lussier. Aujourd’hui, je travaille notamment avec Leucan pour masser des enfants atteints de cancer. Je pratique également dans des centres hospitaliers du Bas-St-Laurent, ou en clinique privée avec des personnes atteintes de cancer, qui ont des diagnostics de maladies incurables, métastatiques qui présentent des contre-indications et des précautions particulières dans l’adaptation du massage.

Selon vous, quels bénéfices la massothérapie apporte-t-elle aux patients en fin de vie ?

La massothérapie est reconnue avant tout pour son impact physiologique. Le but est de réduire les sensations d’inconfort et la douleur des personnes malades. Dans ma pratique, je vois aussi un impact global au niveau de la gestion de l’angoisse, cela apaise les personnes qui vivent un stress important, notamment les patients atteints de maladies incurables ou en fin de vie. Au congrès des soins palliatifs en 2015, avec ma collègue Julie Jobin, nous avons présenté l’idée que le toucher en fin de vie peut avoir un impact sur le cheminement des patients vers l’acceptation. C’est une observation que moi et mes collègues voyons dans notre pratique, il y a souvent un impact sur les gens que l’on peut observer après le massage, ils sont plus ouverts, plus calmes. La massothérapie peut également aider les proches aidants qui sont à risque d’épuisement, ça a été mon expérience personnelle lorsque j’étais proche aidante pour mon conjoint, les massages m’ont aidée à tenir le coup.

Pensez-vous que la massothérapie est suffisamment accessible pour les personnes en fin de vie au Québec ?

Bien qu’il y ait eu des améliorations depuis quelques années, il y a encore du chemin à parcourir. Je pense que désormais tout le monde est conscient que le massothérapeute fait partie de l’équipe multidisciplinaire en soins palliatifs, mais ce type de soins n’est pas assuré de façon constante partout. Au niveau des maisons de soins palliatifs, la massothérapie est parfois vue comme un acte bénévole, ce qui est nuisible pour la continuité de ce type de soins auprès des patients. Certaines régions et établissements investissent dans ce domaine, comme l’hôpital Marie-Clarac à Montréal, ou celui d’Alma au Lac St-Jean. Des fondations jouent un rôle important dans l’accès à la massothérapie, comme la Fondation Aube Lumière ou Palliaco dans les Laurentides. Les patients ou leurs familles peuvent également décider de faire appel à un massothérapeute de façon privée. Pour les soins palliatifs à domicile, dont sont responsables les CLSC, ce sont également les fondations qui jouent un rôle important dans l’accès à la massothérapie et qui accepte de payer les services pour quelques heures par semaine.

Est-ce qu’il y a des défis particuliers pour masser les patients en fin de vie ? Est-ce que cela demande une formation spéciale ?

Au Québec, c’est de plus en plus reconnu qu’une formation spéciale est nécessaire. Pour travailler avec des patients en fin de vie, il faut adapter le geste de massage à la capacité de recevoir de la personne. Cela fluctue à chaque séance et demande de s’adapter à la condition du patient, à chaque fois. Il faut avoir des connaissances de la maladie et des bouleversements qu’elle entraine au niveau physique et psychique. C’est à la fois un savoir être et un savoir-faire. Je dis souvent aux personnes que je forme que le massage dans ce contexte est un espace de mieux-être. Il ne s’agit pas de viser la guérison de la personne, mais de l’accompagner pour qu’elle se sente plus confortable.

Un des enjeux actuels, c’est que certains milieux ne sont pas conscients qu’il existe un tel niveau de formation spécialisées pour les massothérapeutes et que croyant que le geste de massage est sans danger, ils ne requerront pas ce niveau de compétence. Mais le profil de formation prépare les massothérapeutes à être prudents et à adapter le geste du toucher à la réalité de la personne et de son environnement

Avez-vous eu une expérience qui vous a particulièrement touchée avec des patients en soins palliatifs au cours de votre carrière ?

Une cliente en privée qui était dans la négation de son état incurable et le refus des services m’a particulièrement marquée. Après le troisième massage à domicile, elle m’a dit « si c’est ça mourir, ça va être correcte ».  Et la semaine suivante, elle avait pris contact avec son infirmière pivot « pour savoir… » a-t-elle dit. Quelques semaines plus tard elle est décédée à la Maison Marie Élisabeth.

Je me souviens également d’un couple ou le mari avait été diagnostiqué avec un cancer. Il aimait les massages, même avant son diagnostic. La dernière séance avant son transfert en maison de soins palliatifs, sa femme errait dans les corridors de l’hôpital, elle pleurait. Elle a accepté que je lui donne un massage de la tête après avoir massé son mari. Après le repos, pendant que je massais la petite-fille du couple j’ai été témoin qu’elle a donné à son conjoint la permission de partir, il n’y avait plus de panique, mais l’acceptation. Son mari m’a serré la main et remercié pour ce moment.

J’ai suivi certaines personnes pendant longtemps, à travers les différentes étapes, les traitements qui fonctionnent, et puis cessent de faire effet, puis l’acceptation. Dans notre profession on ne met pas de mots, mais les gens expriment plus de choses après le massage, c’est pourquoi l’écoute est une part importante de ma profession.

Entretien réalisé par Laurène Souchet, coordonnatrice de l’AQSP

L’Association québécoise de soins palliatifs publie sa réponse à la consultation publique de santé Canada sur les soins palliatifs.

Le 12 juillet dernier, l’AQSP a soumis sa contribution à la consultation sur les soins palliatifs de Santé Canada. Cette consultation visait à aider le le gouvernement à élaborer un cadre pour les soins palliatifs au Canada.

Dans sa réponse à la consultation, l’Association souligne notamment les inégalités en matière d’accès aux soins palliatifs en fonction des régions, des milieux, et de la condition médicale des patients. L’AQSP évoque également la pénurie de médecins en soins palliatifs qui touche actuellement le Québec et ses conséquences sur l’accès et la qualité des soins palliatifs. L’Association souligne également les défis que rencontrent les patients et leurs proches aidants, et recommande de leur apporter un meilleur soutien.

Dans ses recommandations, l’AQSP a mis l’accent sur la collecte des données concernant l’accès et la qualité des soins palliatifs au Canada, et l’investissement dans la recherche en soins palliatifs.

L’Association préconise également de mieux reconnaitre la spécialisation en soins palliatifs et d’offrir des formations de qualité aux professionnels concernés, mises en place en concertation avec les ordres professionnels, les fournisseurs et les milieux de soins.

Enfin l’AQSP souligne l’importance de bien informer le grand public sur les bénéfices de l’approche palliative, et d’offrir aux patients et aux proches aidants l’information et l’accompagnement de qualité dont ils ont besoin.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le document complet ICI

Les médias parlent des lacunes dans l’accès en soins palliatifs et de la pénurie de médecins en soins palliatifs dans les nouvelles au Québec ces jours-ci!

Ces dernières semaines, un dossier important sur les soins palliatifs, avec trois articles Les signes de fins de vie (disponible ici) Apprendre à mourir (ici) et D’excellents à rien (ici), est paru le 26 et 27 mai dans La Presse que nous vous invitons à découvrir. La Présidente de l’AQSP, Dre Louise La Fontaine, ainsi que plusieurs de nos membres font partis des médecins cités dans ce dossier.

Le 31 mai le Collège des médecins a fait part de ses inquiétudes concernant la pénurie de médecins en soins palliatifs dans un reportage de David Gentile pour Radio-Canada Choisir l’aide médicale à mourir faute de soins palliatifs appropriés?, que vous pouvez retrouver ici. Le Président du Collège des médecins le Dr Charles Bernard, a aussi donné une entrevue à Radio Canada que vous pouvez écouter ici. Il s’inquiète de la pénurie de médecins dans le domaine des soins palliatifs, et indique que, faute d’accès à des soins appropriés, des patients pourraient être amené à choisir l’aide médicale à mourir. Il rappelle que le projet de loi 2 avait le souci de favoriser les soins de fins de vie, mais indique que les avancées et les investissements sont insuffisants. De plus Il note que les investissements dans la recherche en soins palliatifs sont encore timides. Le Dre Martel c’est également exprimer sur la pénurie de médecins en soins palliatifs a Radio Canada ici. Un médecin en soins palliatifs, Lucie Morneau, s’exprime dans la Presse pour indiquer qu’elle laissera son équipe en CHSLD sans médecin après son départ à la retraite ici.

La même question est aussi abordée dans les nouvelles anglophones au niveau canadien, avec un article sur CBC disponible ici qui cite La Dre Elisa Pucella, administratrice à la SQMDSP.

Louise La Fontaine c’est également exprimé sur la radio 98.5 pour dénoncer l’accessibilité inégale aux soins palliatifs au québec, dans une entrevue avec Bernard Drainville que vous pouvez réécouter ici .

Louise La Fontaine, présidente de l’AQSP, note que l’action du Collège des médecins et un appui de taille pour enrayer la pénurie de médecin et promouvoir un accès équitable aux soins palliatifs partout au Québec.

« Cela fait 8 ans que je viens tous les vendredis, j’ai trouvé ma place », témoignage de Ginette Bolduc, bénévole en soins palliatifs à la Maison La Source Bleue

Maison la Source Bleue et Ginette Bolduc dans le médaillon

Du 15 au 21 avril, c’est la semaine de l’action bénévole. Pour cette occasion, Ginette Bolduc, bénévole à la Maison La Source Bleue à Boucherville, nous partage son regard sur les soins palliatifs et son bénévolat.

Question 1 : Pourquoi avez-vous choisi de faire du bénévolat en soins palliatifs ?

Lorsque ma mère a eu un cancer en 2001, j’avais fait la visite de la Maison Michel Sarrazin à Québec et j’avais été impressionnée par l’accueil et la sérénité de ce milieu. Par contre, comme sa maladie a évolué rapidement, elle n’a pu bénéficier de ce service. Quelques mois plus tard, on m’a parlé d’un projet de construction pour une maison de soins palliatifs à Boucherville; j’ai décidé de m’impliquer. J’ai participé à l’organisation d’évènements de financement jusqu’à l’ouverture  de la Maison Source Bleue en 2011.

J’avais développé un grand sentiment d’appartenance à cette mission, alors quand la responsable des bénévoles m’a proposé de faire du bénévolat aux soins, j’ai accepté de relever ce défi malgré mes appréhensions. J’ai été rassurée par le fait qu’il y avait une formation et du soutien de la part de l’équipe des soins. Cela fait maintenant 8 ans que je suis bénévole aux soins tous les vendredis.

Question 2 : À quoi ressemble votre expérience à la Maison de la Source Bleue ? En tant que bénévole aux soins, que faites-vous ?

Quand on fait partie d’une équipe de soins palliatifs, on ressent rapidement la coopération et l’entraide. C’est un milieu à dimension humaine ou chaque geste a de l’importance.

En tant que bénévole notre rôle est d’assurer une présence constante auprès des patients et des familles. Lorsqu’un patient actionne la cloche d’appel nous sommes les premiers répondants. Nous prenons connaissance des besoins ou des demandes que l’on fait ou que l’on fait suivre aux personnels infirmiers. On est aussi là pour seconder les préposés.

L’interaction avec la famille est une partie importante de notre rôle. Il est difficile de quitter une personne que l’on aime et le lien de confiance que l’on a établi est important. On est là pour les rassurer et leur permettre de vivre chaque moment avec leur proche.

Question 3 : Qu’est-ce qui vous plaît dans votre expérience de bénévolat ?

Pour moi, ce qui compte c’est le contact humain. C’est parfois des petites attentions qui font toute la différence, par exemple tenir la main, soutirer un sourire et même un rire, apporter de la chaleur humaine. On dit souvent des bénévoles qu’ils sont altruistes et dévoués mais je crois qu’on le fait aussi pour soi. Un patient qui te regarde dans les yeux et qui dit: Vous êtes mon ange, notre journée est faite.

Question 4 : Comment se passe la formation ? En tant que bénévole recevez-vous de la formation continue ?

Au début, j’ai reçu une formation de base en soins palliatifs qui comprenait un cours de PDSB (Principes pour le déplacement sécuritaire des bénéficiaires) des thèmes reliés à l’approche auprès des patients et des notions générales sur les soins palliatifs. Je vais également participer au prochain congrès de l’Association québécoise de soins palliatifs à Drummondville.

Quelle a été votre expérience la plus mémorable en tant que bénévole à la Source Bleue ?

Au fil de 7 dernières années, plusieurs patients m’ont laissé de précieux souvenirs. Par exemple, cette dame âgée très attachante qui aimait tricoter et qui lisait continuellement. Dans, ces derniers moments en attendant que sa famille arrive à son chevet, je me suis assise à ses côtés et je lui ai lu le dernier chapitre. Je ne sais pas si elle m’a entendue, mais « des fois que… »

Je me rappelle aussi, d’un patient qui avait fait un cauchemar qui l’avait terriblement bouleversé et il était agité. J’ai pris un moment avec lui pour le rassurer et quand l’infirmière est revenue avec son calmant il n’en avait plus besoin.

Être bénévole en soins palliatifs c’est simplement d’être présent à ce qui se présente à nous. Je crois que c’est tous les petits gestes que nous accomplissons qui font une différence

Les soins palliatifs, une approche à intégrer – invitée par la Société Alzheimer de l’Outaouais, La Présidente de l’AQSP ouvre le dialogue sur les soins palliatifs

La société Alzheimer de l’Outaouais a invité le Dr Louise La Fontaine, présidente de l’AQSP, à donner une conférence gratuite le 25 janvier à Gatineau. La conférence, intitulée « les soins palliatifs, une approche à intégrer », a réuni 55 participants pour faire connaître les soins palliatifs et les particularités reliées à la maladie d’Alzheimer.

55 professionnels, bénévoles et proches aidants sont venus écouter la conférence. Le Dre La Fontaine a expliqué l’approche palliative, en adressant les particularités reliées à la maladie d’Alzheimer, par exemple comment évaluer la douleur des patients et l’importance du savoir être et du savoir-faire.

Les participants ont également discuté du rôle, des besoins et des souffrances des proches aidants. Citant Ralph Waldo Emerson, le Dr La Fontaine a noté que «Personne ne peut sincèrement tenter d’aider autrui sans s’aider lui-même. Voilà l’un des plus beaux cadeaux» pour rappeler qu’il est aussi important pour les proches aidants de veiller sur eux-mêmes. Le Dr La Fontaine a également souligné l’importance de la communication entre soignants et proches aidants. La société Alzheimer de l’Outaouais et l’AQSP ont noté que les deux associations ont un rôle complémentaire à jouer dans le soutien et la formation aux proches aidants.

La rencontre a aussi permis aux participants d’aborder les lacunes qu’ils constatent dans l’accès aux soins palliatifs. En effet, les statistiques et l’expérience nous indiquent que l’accès à des soins palliatifs de qualité est limité au Québec. Parmi la clientèle nécessitant ces soins, certaines personnes sont plus touchées par ces manques. C’est le cas, entre autre, des personnes affectées par la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. Les participants ont particulièrement noté la situation actuelle en CHSLD ou les proches aidants et les soignants sont témoins d’importantes lacunes.

Suite aux échanges qui furent nombreux, plusieurs pistes de solutions ont été identifiées, notamment l’importance d’améliorer la communication entre les proches aidants et les soignants et d’ouvrir le dialogue dans les équipes. Les participants ont également noté qu’il est crucial de former et enseigner à tous pour pouvoir offrir aux patients des soins palliatifs de qualité.

Les soins palliatifs pédiatriques: une médecine humaine, Entretien avec la Dre Bissonnette-Roy

Caroline Bissonnette-Roy, omnipraticienne qui a récemment terminé sa résidence en médecine familiale, nous parle de son expérience en soins palliatifs lors de son parcours. En effet, la Dre Bissonnette-Roy a effectué plusieurs stages au Phare Enfants et Familles de Montréal, où elle a acquis de l’expérience en soins palliatifs pédiatriques. Elle nous fait part de sa motivation à travailler dans ce domaine, ainsi que des défis particuliers que les médecins peuvent rencontrer dans la pratique et la formation en soins palliatifs.

Question : Parlez-nous de votre parcours. Pourquoi vous intéressez vous aux soins palliatifs?

Je viens de terminer ma résidence en médecine familiale mais mon intérêt pour les soins palliatifs remonte plus loin. Lorsque j’étais au CEGEP, j’ai fait du bénévolat au Phare Enfants et Familles de Montréal, qui offre aux enfants nécessitant des soins palliatifs pédiatriques l’ensemble des soins et services tout au long de leurs vies, ainsi que des services de soutien et de répit pour leurs familles. J’ai également fait du bénévolat pendant mes études en médecine, au Phare puis au Centre de réadaptation Marie Enfant affilié au CHU Sainte-Justine. J’ai aussi eu des expériences en soins palliatifs avec des adultes au cours de mes stages en médecine, notamment à la maison de soins palliatifs Victor Gadbois et à l’hôpital Pierre Le Gardeur.

Les soins palliatifs pédiatriques m’intéressent beaucoup. J’ai surtout appris sur le terrain, c’est une discipline où le contact humain prime. Mais c’est une pratique négligée, surtout en pédiatrie. C’est une réalité qu’il y a des enfants qui ont des maladies neurodégénératives ou qui vivent avec un cancer, qui ont besoins de soins et de soutien tout au long de leurs vies. Mais c’est également un tabou; lorsque je discute de cette spécialisation, beaucoup de gens me disent «je ne pourrais pas faire ça, ce serait trop dur». Je pense que les mentalités dans notre société moderne ont évolué lorsqu’il s’agit de parler des soins palliatifs pour les adultes. Un exemple flagrant est l’aide médicale à mourir qui est maintenant possible. En ce qui concerne la pédiatrie mon expérience me laisse croire que nous sommes encore loin d’une acceptabilité sociale d’une approche palliative.

Question : Trouvez-vous que le sujet des soins palliatifs a été suffisamment abordé au cours de vos études? La formation vous semble-t-elle suffisante dans ce domaine?

La formation médicale doctorale est beaucoup axée en milieu hospitalier. Les soins palliatifs appartiennent à une médecine plus large et plus humaine où on se concentre moins sur le diagnostic et l’approche thérapeutique, mais plutôt sur le dialogue avec le patient, c’est une médecine plus à l’écoute de la population. On prend le temps d’être à l’écoute des gens, ce qui peut parfois s’avérer beaucoup plus difficile lors de grandes tournées de médecine interne.

Lors des cours théoriques, nous n’avons pas beaucoup abordé l’approche palliative ainsi que les médicaments d’usage commun en soins palliatifs. Cependant, depuis que j’ai fini mes études doctorales, le cursus a changé et je pense que c’est un peu mieux intégré. Pour faire des soins palliatifs, il faut souvent aller chercher soi-même des stages avec cette option. Pour ma part, je pense que tous les médecins en formation devraient passer par un minimum de formation en soins palliatifs.

Durant les études postdoctorales, dont la résidence en médecine familiale, toutes les unités de médecine familiale doivent offrir une exposition en soins palliatifs qui peut se traduire en stages en maisons de soins palliatifs, en unité d’hospitalisation en soins palliatifs et en cliniques externes. Les médecins de famille font aussi souvent des soins palliatifs indirectement, lorsque nous prodiguons des soins à domicile. Il y a également quelques congrès, mais lors des journées pharmacologiques des universités les soins palliatifs sont rarement mentionnés. L’offre de formation continue dans ce domaine pourrait être étendue afin de poursuivre nos acquis en arrivée en pratique.

Question : Quelle a été votre expérience au Phare Enfants et Familles?

Le Phare Enfants et Familles de Montréal

Le Phare est un endroit très spécial et important pour moi. J’y suis passée à chaque étape de mon parcours et cela m’a beaucoup définie en tant que médecin. C’est un endroit chaleureux et empathique, tout le monde travaille fort pour le bien-être des enfants. Bien sûr, j’ai vu l’état de certains patients se dégrader et c’est bouleversant à chaque fois. Une grande partie des enfants qui sont au Phare ont des maladies neurodégénératives, donc c’est une approche différente de la pédiatrie «classique» : moins par la parole seule, plus par le toucher, la stimulation tactile, les couleurs, la musique, etc. On doit apprendre à communiquer avec eux autrement pour comprendre les besoins de l’enfant, que ce soit de la douleur ou de la faim. Au début, c’est intimidant! Avec le temps, je suis devenue plus à l’aise et j’ai également partagé cette expérience avec des nouveaux bénévoles du Phare. Il y a beaucoup de petites victoires. En soins palliatifs pédiatriques, le contact avec la famille est également très important, on doit beaucoup expliquer aux parents et apprendre à discuter des choses difficiles, ainsi qu’à les accompagner et les soutenir dans une des épreuves les plus difficiles de la vie. Depuis ma graduation, j’ai consacré les premières semaines de ma pratique à la prise en charge de patients en Montérégie. J’espère vivement que ce n’est pour moi qu’une question de temps avant de trouver une stabilité en ce début de pratique pour rejoindre l’équipe du Phare!

Entretien réalisé par Laurène Souchet, coordonnatrice de l’AQSP

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