Les soins palliatifs pédiatriques: une médecine humaine, Entretien avec la Dre Bissonnette-Roy
Caroline Bissonnette-Roy, omnipraticienne qui a récemment terminé sa résidence en médecine familiale, nous parle de son expérience en soins palliatifs lors de son parcours. En effet, la Dre Bissonnette-Roy a effectué plusieurs stages au Phare Enfants et Familles de Montréal, où elle a acquis de l’expérience en soins palliatifs pédiatriques. Elle nous fait part de sa motivation à travailler dans ce domaine, ainsi que des défis particuliers que les médecins peuvent rencontrer dans la pratique et la formation en soins palliatifs.
Question : Parlez-nous de votre parcours. Pourquoi vous intéressez vous aux soins palliatifs?
Je viens de terminer ma résidence en médecine familiale mais mon intérêt pour les soins palliatifs remonte plus loin. Lorsque j’étais au CEGEP, j’ai fait du bénévolat au Phare Enfants et Familles de Montréal, qui offre aux enfants nécessitant des soins palliatifs pédiatriques l’ensemble des soins et services tout au long de leurs vies, ainsi que des services de soutien et de répit pour leurs familles. J’ai également fait du bénévolat pendant mes études en médecine, au Phare puis au Centre de réadaptation Marie Enfant affilié au CHU Sainte-Justine. J’ai aussi eu des expériences en soins palliatifs avec des adultes au cours de mes stages en médecine, notamment à la maison de soins palliatifs Victor Gadbois et à l’hôpital Pierre Le Gardeur.
Les soins palliatifs pédiatriques m’intéressent beaucoup. J’ai surtout appris sur le terrain, c’est une discipline où le contact humain prime. Mais c’est une pratique négligée, surtout en pédiatrie. C’est une réalité qu’il y a des enfants qui ont des maladies neurodégénératives ou qui vivent avec un cancer, qui ont besoins de soins et de soutien tout au long de leurs vies. Mais c’est également un tabou; lorsque je discute de cette spécialisation, beaucoup de gens me disent «je ne pourrais pas faire ça, ce serait trop dur». Je pense que les mentalités dans notre société moderne ont évolué lorsqu’il s’agit de parler des soins palliatifs pour les adultes. Un exemple flagrant est l’aide médicale à mourir qui est maintenant possible. En ce qui concerne la pédiatrie mon expérience me laisse croire que nous sommes encore loin d’une acceptabilité sociale d’une approche palliative.
Question : Trouvez-vous que le sujet des soins palliatifs a été suffisamment abordé au cours de vos études? La formation vous semble-t-elle suffisante dans ce domaine?
La formation médicale doctorale est beaucoup axée en milieu hospitalier. Les soins palliatifs appartiennent à une médecine plus large et plus humaine où on se concentre moins sur le diagnostic et l’approche thérapeutique, mais plutôt sur le dialogue avec le patient, c’est une médecine plus à l’écoute de la population. On prend le temps d’être à l’écoute des gens, ce qui peut parfois s’avérer beaucoup plus difficile lors de grandes tournées de médecine interne.
Lors des cours théoriques, nous n’avons pas beaucoup abordé l’approche palliative ainsi que les médicaments d’usage commun en soins palliatifs. Cependant, depuis que j’ai fini mes études doctorales, le cursus a changé et je pense que c’est un peu mieux intégré. Pour faire des soins palliatifs, il faut souvent aller chercher soi-même des stages avec cette option. Pour ma part, je pense que tous les médecins en formation devraient passer par un minimum de formation en soins palliatifs.
Durant les études postdoctorales, dont la résidence en médecine familiale, toutes les unités de médecine familiale doivent offrir une exposition en soins palliatifs qui peut se traduire en stages en maisons de soins palliatifs, en unité d’hospitalisation en soins palliatifs et en cliniques externes. Les médecins de famille font aussi souvent des soins palliatifs indirectement, lorsque nous prodiguons des soins à domicile. Il y a également quelques congrès, mais lors des journées pharmacologiques des universités les soins palliatifs sont rarement mentionnés. L’offre de formation continue dans ce domaine pourrait être étendue afin de poursuivre nos acquis en arrivée en pratique.
Question : Quelle a été votre expérience au Phare Enfants et Familles?
Le Phare est un endroit très spécial et important pour moi. J’y suis passée à chaque étape de mon parcours et cela m’a beaucoup définie en tant que médecin. C’est un endroit chaleureux et empathique, tout le monde travaille fort pour le bien-être des enfants. Bien sûr, j’ai vu l’état de certains patients se dégrader et c’est bouleversant à chaque fois. Une grande partie des enfants qui sont au Phare ont des maladies neurodégénératives, donc c’est une approche différente de la pédiatrie «classique» : moins par la parole seule, plus par le toucher, la stimulation tactile, les couleurs, la musique, etc. On doit apprendre à communiquer avec eux autrement pour comprendre les besoins de l’enfant, que ce soit de la douleur ou de la faim. Au début, c’est intimidant! Avec le temps, je suis devenue plus à l’aise et j’ai également partagé cette expérience avec des nouveaux bénévoles du Phare. Il y a beaucoup de petites victoires. En soins palliatifs pédiatriques, le contact avec la famille est également très important, on doit beaucoup expliquer aux parents et apprendre à discuter des choses difficiles, ainsi qu’à les accompagner et les soutenir dans une des épreuves les plus difficiles de la vie. Depuis ma graduation, j’ai consacré les premières semaines de ma pratique à la prise en charge de patients en Montérégie. J’espère vivement que ce n’est pour moi qu’une question de temps avant de trouver une stabilité en ce début de pratique pour rejoindre l’équipe du Phare!
Entretien réalisé par Laurène Souchet, coordonnatrice de l’AQSP