Bulletin | Volume 30 No. 2

Bulletin Printemps 2023

Ce bulletin tardif est une version post congrès 2022.

Nos aînés veulent occuper leurs propres lits plutôt que ceux des hôpitaux

Chez nos voisins du sud, on voit régulièrement des circonscriptions électorales être remaniées dans des buts partisans. J’ai d’ailleurs récemment appris le mot étrange qui désigne ce remodelage arbitraire des frontières des circonscriptions : le gerrymandering.

Chez nous on ne manque pas non plus d’inventer des drôles de mots, comme les RI/RPA, SAD/SIAD, ou encore les CISSS et les CIUSSS. Ces fameux CIUSSS qui sont des territoires de soins, découpés arbitrairement aussi, définissent donc un bassin de population à soigner, qu’on appelle région sociosanitaire.

Alors que la deuxième vague de COVID nous frappe de plein fouet, je me rends compte que le découpage des CIUSSS ne tient pas compte du tout du nombre d’aînés demeurant en RI/RPA. Je réalise que cette donnée extrêmement pertinente, le nombre de « portes » représentant des personnes âgées vivant dans des milieux collectifs, est grandement variable d’un CIUSSS à l’autre.

En ce 17 février 2021, rien ne va plus dans les hôpitaux montréalais. Les lits sont pleins à 150 % un peu partout et on s’en va tout droit vers le point de rupture. Une grosse partie de ces lits sont occupés par des personnes âgées, souvent des patients qui, de surcroît, ne requièrent pas du tout le plateau technique de l’hôpital. Tous les jours, les ambulances transportent sans arrêt des Jeannine et des Lucille, qui atterrissent alors, toutes désorientées, dans le chaos de l’urgence. « Qu’est-ce qui vous amène à l’hôpital ? » leur demande-t-on. Souvent, elles ne savent pas, elles ne comprennent pas. Non pas en raison de troubles cognitifs, mais plutôt parce qu’on ne leur a pas vraiment demandé leur opinion, et parce qu’aucun médecin n’a pris le temps d’évaluer les alternatives possibles. Alors voilà, nos hôpitaux sont remplis de vieux, si on peut dire ça comme ça. Mais est-ce leur faute ? Doit-on blâmer cette génération d’hommes et de femmes qui ont travaillé si dur et qui ont tant sacrifié pour leur famille ? Ces aînés qui maintenant se retrouvent au crépuscule de leur vie, en perte d’autonomie, et qui ont choisi de se « placer » dans une résidence avec des services, était-ce leur souhait que d’être envoyés à l’urgence par le personnel de la résidence, à la moindre inquiétude ?

Les résidences privées pour aînés représentent une concentration très élevée de gens malades et de consommateurs de soins. Le Québec est le champion au Canada de ces ghettos de vieux. On pourrait s’imaginer que chaque résidence a un médecin attitré, qui passe toutes les semaines, et qui assure avec ses collègues une garde 24/7 à l’année, pour ainsi répondre aux nombreux besoins de cette population vulnérable. Mais non, ce n’est malheureusement pas le cas. Pendant que les omnipraticiens, forcés par le gouvernement, faisaient leur effort de guerre pour « offrir à chaque Québécois un médecin de famille » en augmentant la cadence au bureau pour vider les listes, la couverture médicale pour les résidences pour aînés, pour les ressources intermédiaires, elle, n’a jamais été à l’agenda. Bien avant l’arrivée de ce fichu virus dans nos vies, nous étions déjà en pandémie : la pandémie du vieillissement accéléré de la population. La problématique des aînés malades provenant de résidences, sans accès à une garde médicale communautaire, qui consultent à répétition à l’hôpital pour des problèmes qui auraient pu se régler à domicile, est une réalité bien connue des urgentologues. Disons que ça allait déjà très mal à ce chapitre.

Il ne faut pas les blâmer, puisqu’elles sont surchargées et fatiguées, mais les infirmières des résidences privées ont le réflexe de faire le 9-1-1 pour tous leurs clients malades, même si ces derniers souhaitent des soins davantage axés sur le confort que sur le prolongement de la vie. Puisqu’elles ne veulent pas « prendre de chance », et surtout parce qu’elles n’ont habituellement aucun médecin à qui se référer, elles vont s’en remettre au système hospitalier pour prendre en charge le grand-papa sourd et dément qui inquiète de par son incontinence urinaire nouvelle par exemple.

C’est quand même fou de constater à quel point la première ligne est décousue, et qu’à certains endroits à Montréal, on se retrouve dans des déserts médicaux, sans aucune présence médicale à domicile pour les patients instables et vulnérables. Des déserts où pullulent néanmoins des dizaines et des dizaines de tours de résidences privées pour aînés… Le désastre engendré par cette mauvaise couverture médicale, découlant d’un découpage de régions sociosanitaires qui ne tient pas compte du nombre d’aînés en RPA, est la trame de fond de cette pandémie.

Négligence systémique des aînés est l’expression qui me vient en tête lorsque je pense à notre système de santé. Pendant que le gouvernement perdait son temps à pondre des statistiques sur les taux d’assiduité des patients envers leur médecin de famille en cabinet, aucune énergie n’a été déployée pour monter et soutenir des équipes médicales intensives à domicile, ressources pourtant peu coûteuses et d’une efficacité redoutable lorsqu’il s’agit d’éviter les hospitalisations inutiles.

Ceux qui sont allés prêter main-forte dans les résidences privées aux prises avec des éclosions majeures l’ont sans doute constaté : la COVID est loin d’être le seul problème qui afflige ces personnes âgées. Troubles cognitifs avec problèmes de comportement, insuffisance cardiaque terminale, polypharmacie et grande fragilité sont autant de diagnostics que le clinicien retient lors de sa « tournée COVID ». Mettre les pieds dans une résidence privée pour aînés c’est comme ouvrir une boîte de Pandore. Les problèmes sont criants, et les opportunités d’initier des soins palliatifs en contexte de maladie chronique sévère sont multiples. Or, dans notre système de santé hospitalo-centriste, les patients vieillissants qui souffrent de plusieurs comorbidités sont habituellement pris dans un système de portes tournantes, où d’une hospitalisation à une autre, le déclin s’installant de plus en plus, le patient n’a jamais l’occasion d’opter pour des soins palliatifs à domicile. Il est tellement navrant de voir nos aînés passer les deux dernières années de leur vie dans les allers-retours incessants à l’hôpital pour ensuite mourir tristement sur une civière. Quelle fin insensée, me dis-je souvent. Mais surtout, ils méritent mille fois mieux.

Alors quelles sont les leçons que l’on peut tirer de la pandémie pour les soins palliatifs ? Que nous avons un énorme retard à rattraper en ce qui a trait aux soins à domicile. Plus précisément, il est urgent que chaque CISSS/CIUSSS ait ses équipes médicales sur le terrain à domicile, de garde 24/7 pour toute sa population gériatrique, en perte d’autonomie, et palliative.

Il apparaît également primordial que les médecins des équipes de soins à domicile soient non seulement à l’aise avec les soins de fin de vie, mais également avec les soins aigus. Le fardeau des insuffisants cardiaques et emphysémateux décompensés sur notre système hospitalier est énorme, et la gestion de ces épisodes de défaillance peut parfois se faire à domicile. Il faut développer une aisance à établir les niveaux de soins, à analyser rapidement les profils pharmacologiques et à prendre en charge les patients complexes atteints de multiples pathologies. Les cliniciens qui ont cette expertise et cette facilité en soins gériatriques et palliatifs peuvent ainsi voir un grand nombre de patients, et c’est un aspect qui me semble important à souligner. En effet, la très grande concentration de personnes âgées en perte d’autonomie dans les milieux urbains densément peuplés oblige à un certain débit. Sans ignorer la qualité des soins et l’humanisme, il nous faut passer à la seconde vitesse si on veut pouvoir donner accès aux soins au plus grand nombre. Durant une éclosion majeure de COVID, il faut se dépêcher de voir le plus de patients possible, établir leur niveau de soins, faire la liste des problèmes, détailler un plan de match et ensuite parler aux familles et au pharmacien. Cette vitesse de croisière devrait aussi être celle adoptée pour tout soin à domicile en général, puisque la crise sanitaire due au vieillissement de la population ne fait que commencer.

Article rédigé par Dre Eveline Gaillardetz, médecin au CLSC de Verdun.

 

webinaire du Dr Félix Pageau le 13 octobre 2020 à 16h30

Lien pour accéder au webinaire (pas d’inscription necessaire): https://academie.aqsp.org/aqsp/2020/covid-19/311421/doctor.felix.pageau.et.doctor.louise.la.fontaine.md.phd.html?f=menu%3D27%2Ac_id%3D311421%2Afeatured%3D16798 

Nous vous invitons à assister à notre quatrième webinaire qui aura lieu le mardi 13 octobre 2020 de 16h30 à 17h30.

Dans ce quatrième webinaire nous recevrons Dr Félix Pageau, interniste-gériatre au CHU de Québec et chercheur au Centre d’excellence sur le vieillissement du Québec. Le thème de ce quatrième webinaire en partenariat avec Multilearning Inc sera Problématiques éthiques durant la pandémie de COVID-19 en fin de vie et en gériatrie.

Nous espérons que vous serez nombreux à vous joindre à nous . Comme pour les précédents webinaires, nous vous encourageons a partager vos questions par écrit pendant la présentation, et nous les poserons au Dr Félix Pageau à la fin de la conférence.

Cet événement sera gratuit et accessible pour tous les soignants, professionnels et bénévoles du Québec, ainsi qu’aux proches aidants intéressés. Nous vous rappelons cependant que votre soutien nous est plus que jamais nécessaire, aussi nous vous encourageons, si vous le pouvez à nous faire un don, et à devenir membre de l’association pour soutenir l’AQSP.

Merci de partager la nouvelle dans votre réseau! Si vous ne pouvez être présent, l’enregistrement sera disponible dans les jours qui suivront la diffusion.

Les soins palliatifs, un phare pour la vie au cœur du Québec Succès retentissant du 29e congrès de l’Association québécoise de soins palliatifs

Plenière d'ouverture du Congrès 2019

Plenière d’ouverture du Congrès 2019

Montréal, 14 mai 2019. Plus de 700 personnes des quatre coins du Québec regroupant des proches-aidants, des familles, des bénévoles, des professionnels et des techniciens du milieu de la santé, des administrateurs et des gestionnaires, se sont rassemblés du 8 au 10 mai au 29e congrès de l’Association québécoise de soins palliatifs (AQSP) pour faire des soins palliatifs une priorité, contribuant à l’effervescence de la Semaine nationale des soins palliatifs.

Le congrès provincial de l’AQSP se distingue par sa multidisciplinarité autant dans les formations offertes que par ses participants. Les débutants comme les plus expérimentés y trouvent des formations à  leurs mesures. Les participants ont pu se former dans de nombreuses disciplines, grâce à plus de 40  ateliers, plénières et conférences traitant des dernières avancées médicales, psychosociales et en soins infirmiers, en recherche, en formation ou en clinique.[1] L’AQSP a aussi organisé une conférence de sensibilisation aux soins palliatifs et de fin de vie qui s’étendent d’un bout à l’autre du spectre de la vie et s’adressant au grand public, offerte par Mme Nicole Bordeleau.

En effet, pour la première fois au Québec, une journée précongrès a été dédiée le 8 mai aux enfants recevant des soins palliatifs, permettant de montrer que les soins palliatifs pédiatriques sont l’affaire de tous. Ayant couvert en profondeur les soins palliatifs aux enfants, « la mort c’est comme la vie, il faut en parler », a lancé Harold Gagné, journaliste à TVA. Enchaînant sur les spécificités du deuil chez les enfants et sur la difficulté de parler de la mort, Josée Masson, travailleuse sociale et présidente directrice générale de Deuil Jeunesse, a rappelé que « la résistance n’est jamais auprès des enfants, elle est auprès des adultes ; les enfants n’ont pas peur de savoir, les adultes ont peur de dire. »

Le 10 mai, en partenariat avec Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie (RQSPAL), l’AQSP a remis un prix de recherche en soins palliatifs et de fin de vie d’une valeur de 2500 dollars au Pr. Sébastien Dufresne, physiothérapeute, PhD. L’AQSP a également remis son prix Reconnaissance 2019 à Johanne de Montigny, psychologue et conférencière, pour son engagement dans la promotion de l’approche palliative au Québec.

La présence de Mme Danielle McCann, Ministre de la Santé et des Services sociaux, lors du congrès le 10 mai, témoigne, de l’importance que le gouvernement actuel souhaite offrir pour soutenir le déploiement de ces soins spécifiques et essentiels à la population du Québec. Insistant sur l’importance d’offrir à travers le Québec des soins palliatifs de la meilleure qualité, Mme Danielle McCann, s’est réjoui de la tenue du congrès : « Les besoins toujours croissants pour ce type de services témoignent d’ailleurs d’un tel engouement, et c’est pourquoi il est important pour nous d’en favoriser l’accessibilité pour tous, sur l’ensemble du territoire. »

Plus que jamais, l’accent doit maintenant être mis sur un plus grand développement, partout sur le territoire. Rappelons les principaux constats exprimés lors de ce congrès par les intervenants :

  • Les bienfaits qu’offrent les soins palliatifs et de fin de vie sont méconnus du grand public, surtout les soins introduits tôt dans la trajectoire de la maladie.
  • Il est primordial d’identifier de façon précoce les besoins en soins palliatifs et en soins de fin de vie et de les rendre accessibles en temps opportun.
  • Les participants ont rapporté que les données disponibles présentement révèlent l’inégalité́ de l’accès à des soins palliatifs et de fin de vie à travers la province.

Ces constats font échos aux propos rapportés dans le récent Rapport sur la situation sur les soins de fin de vie au Québec, déposé le 3 avril dernier, qui mentionne que beaucoup reste encore à faire, incluant l’objectivation rigoureuse de données en soins palliatifs.[2] Car comme il est stipulé dans ce Rapport, « sans une collecte de données systématique, cohérente et continue, il est difficile d’évaluer la qualité́ ».[3]

Enfin, pour L’AQSP, qui est dédiée au développement des soins palliatifs, un risque important demeure pour assurer l’accès équitable à des soins palliatifs de qualité, à leur reconnaissance comme soins essentiels pour tous et à leur pérennité: « Malgré les mesures existantes, les données actuellement disponibles ne permettent pas de mesurer la qualité des SPFV offerts dans toute la province en raison de l’absence d’indicateurs à cet effet. » [4]

L’AQSP appuie ces constats malheureux. L’Association demande par ailleurs aux membres de Commission sur soins de fin de vie, lorsqu’elle présente ces constats, de préciser ce qui concerne spécifiquement les soins palliatifs de l’ensemble des soins de fin de vie.

«Ce sont des milliers de Québécois qui sont actuellement lésés dans leur droit à recevoir des soins palliatifs, si leur état le requiert. Nous avons eu des témoignages touchants lors de certains ateliers du 29e Congrès », déclare Louise La Fontaine, présidente de l’AQSP.

[1] Pour plus d’information, voir le programme du 29e congrès : https://www.aqsp.org/congres2019/

[2] Rapport sur la situation sur les soins de fin de vie au Québec de la Commission sur les soins de fin de vie pour la période du 10 décembre 2015 au 31 mars 2018, Gouvernement du Québec, 2019

[3] Ibid. p. 14

[4] Ibid. p. 19

Entretien avec Sœur Luz Marina Rojas Arango, coordonnatrice des bénévoles à l’hôpital Marie-Clarac – « Je suis présente pour créer des liens de confiance »

Soeur Luz Marina Rojas Arango

Quel a été votre parcours ? Depuis combien de temps êtes-vous coordonnatrice des bénévoles ? Pourquoi avoir choisi les soins palliatifs ?

Je suis religieuse. J’appartiens à la congrégation des Sœurs de Charité de Sainte-Marie, la communauté qui a fondé l’Hôpital Marie-Clarac en 1965. En 2014, a été inauguré le pavillon Mère Anselme pour le service de soins palliatifs Oasis de paix, nom de notre unité. J’ai une formation de technicienne en soins infirmiers dans mon pays d’origine.

J’ai commencé comme bénévole à l’hôpital Marie-Clarac, et petit à petit je me suis découvert un don pour les soins palliatifs. J’ai fait la découverte de la force de la vie à travers la faiblesse et la mort comme un chemin vers la vraie vie.

Lorsque la précédente responsable des bénévoles a quitté son poste, on me l’a proposé et j’ai accepté.

Pourriez-vous décrire le rôle d’une coordonnatrice des bénévoles ?

En tant que coordonnatrice des bénévoles, j’ai un rôle technique et un rôle de soutien. Pour la partie technique, il s’agit de faire le lien avec les institutions partenaires, assurer le recrutement et la sélection des nouveaux bénévoles, ainsi que leur formation initiale et continue. Au jour le jour, je soutiens les bénévoles, je suis présente pour créer des liens de confiance, je les épaule et les conseille quand ils sont confrontés à des situations particulières. Certaines situations en soins palliatifs sont difficiles à vivre, alors les bénévoles doivent être aidés et outillés, c’est un apprentissage continu. Pour moi, chaque bénévole est très important, j’essaie de faire découvrir à chacun son potentiel et les outils qui lui sont propres.

Selon vous est-ce que les bénévoles sont suffisamment bien outillés actuellement, ou auraient-ils besoin de plus d’encadrement, de plus d’occasions de formations continues, etc. ?

La formation est toujours bénéfique et nécessaire pour se ressourcer, se questionner et améliorer les pratiques. Il y a déjà des formations disponibles avec des institutions partenaires, mais les soins palliatifs, c’est un océan, et nous avons toujours besoin d’avancer.

Avez-vous une expérience qui vous a particulièrement touchée dans le cadre de votre travail ?

Aux soins palliatifs, je vis de nombreuses expériences enrichissantes, tant avec les usagers et leur famille qu’avec les bénévoles.

Pour moi, chaque usager est un univers riche en expériences, et à travers eux, chaque fois, je découvre la force de la vie cachée dans les visages parfois défigurés par la maladie.

Comment oublier et ne pas être touchée par les usagers qui, pour chaque petit geste de délicatesse, malgré la fatigue me regardent avec un petit sourire reconnaissant, les visages de ces personnes qui se sont endormies entre mes mains et qui ont avec certitude reçu tout mon amour et tout mon respect comme dernier geste avant d’entrer définitivement dans la vraie vie.

Comment ne pas être touchée par les milliers de mots de remerciements de tant de familles qui se sont senties accompagnées, respectées, soutenues et aimées dans un des moments les plus difficiles qu’une personne puisse vivre : la perte d’un être cher.

Comment ne pas être touchée par les bénévoles qui se dévouent auprès des usagers : je revois l’image de telle bénévole qui coiffe délicatement les cheveux d’une usagère avec une douceur, une tendresse et un amour qui m’ont arraché des larmes, ou tel autre bénévole qui, tous les matins, a emmené M. X. qui ne se sentait plus bon à rien, chercher des journaux à l’entrée de l’hôpital pour les distribuer dans les chambres et au poste des infirmières. Comment ne pas être touchée par l’amour débordant des bénévoles, ces personnes qui, printemps, été, automne, hiver, laissent le confort de leur foyer pour offrir le meilleur d’elles-mêmes. Comme me disait un jour le fils d’un usager « vos bénévoles, sont des cœurs sur deux pattes ».

Vous participez au comité des coordonnatrices organisé par l’AQSP, qu’est-ce que vous apporte cette expérience ?

En effet, je participe au comité de l’AQSP qui réunit les coordonnatrices de bénévoles, à chaque fois que je reviens d’une réunion je me sens mieux outillée. Ce comité permet d’élargir mes horizons : on y apprend de nouveaux moyens, des éléments de savoir-être et de savoir-faire. Je suis très heureuse de pouvoir échanger sur nos pratiques, car mes expériences peuvent enrichir le travail des autres, comme les leurs enrichissent le mien. Nous avons des dilemmes communs, et grâce à ce groupe je me sens moins seule dans mon rôle avec cette occasion d’échanger. Cela permet aussi de comparer comment cela se passe dans les autres institutions, d’avoir des idées pour aider notre institution à évoluer.

D’après votre expérience, quels sont les grands enjeux pour l’avenir des soins palliatifs au Québec ?

Hôpital Marie-Clarac

Je pense que les unités de soins palliatifs répondent à un besoin très important de la société. Les usagers en fin de vie et les familles sont vulnérables; ils ont des besoins à la fois globaux et très spécifiques auxquels le personnel soignant et les bénévoles doivent s’adapter. Il y a des institutions qui existent depuis longtemps, mais il n’y en a pas encore assez pour répondre aux besoins de la population.

Un autre enjeu important est le manque de connaissances; l’ignorance et les préjugés concernant les soins palliatifs sont un cocktail qui favorise ce que j’appelle la mythologie qui entoure la fin de la vie et les unités de soins palliatifs, perçus à tort comme des lieux de douleur, de souffrance et de mort, alors qu’au contraire, les soins palliatifs sont des lieux de vie, où l’être humain devient plus humain que jamais, où la vulnérabilité devient un espace de rencontre, d’amour et de partage.

La personne en fin de vie a beaucoup à donner et à recevoir, la maladie et la douleur n’enlèvent ni l’amour, ni la vie, ni la richesse de l’être profond de chaque personne.

Entretien avec Line St Amour, Psychologue « C’est important d’introduire de l’humanité dans une fin de vie. »

Dre Line St Amour, psychologue

Dre Line St Amour est psychologue en oncologie et en soins palliatifs au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), elle a également rédigé deux contes : « Luron apprivoise les forces de l’espoir : Démarche curative » et « L’amour pour toujours : Démarche palliative » pour permettre aux enfants et aux parents de communiquer à propos de la fin de vie. Elle est aussi engagée bénévolement au sein du comité congrès de l’AQSP.

Quel a été votre parcours? Depuis combien de temps travaillez-vous avec des personnes en fin de vie et/ou leurs proches? Pourquoi ce domaine vous a-t-il particulièrement interpellé?

C’est un domaine qui m’a interpellé depuis l’enfance. J’ai vécu dans cette réalité très tôt auprès de membres de ma famille qui étaient très malades, notamment mes grands-parents, un oncle et une tante handicapés qui vivaient tous avec nous. Lorsque j’ai fait mon doctorat en psychologie, je me suis ainsi concentrée sur un sujet en lien avec mon vécu, le deuil. J’ai donc fait du bénévolat à l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Royal Victoria et y ai joint mon projet de recherche doctorale. Depuis un très jeune âge, je me pose des questions au sujet de la fin de vie. Je cherche à comprendre le processus d’attachement et de séparation. Je tente de saisir l’indicible. Au terme de mes études, j’ai enseigné à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais en géronto-thanatologie. Par la suite, j’ai travaillé 10 ans en CLSC dans une équipe de psycho-gériatrie et me voilà maintenant au CHUM depuis 17 ans à titre de psychologue clinicienne en oncologie et soins palliatifs.

 Selon vous, quelle est la contribution des psychologues en fin de vie?

La psychologie apporte une approche et une vision différentes de la maladie, de la mort et de la vie. C’est une discipline qui prend en compte le lien d’attachement, le détachement, les caractéristiques propres à la personne, sa personnalité, et tout ce qui est d’ordre psychique comme les rêves et les fantasmes. La contribution du psychologue c’est de pouvoir ouvrir un espace pour que les patients puissent parler de ce qui ne se dit pas socialement. C’est aussi permettre au patient de comprendre le rapport à son corps, l’importance des liens affectifs, les images qui l’habitent. Dans le contexte particulier des soins palliatifs, il s’agit de soutenir les personnes malades face à leurs souffrances, leurs peurs et de les accompagner jusqu’au bout de leur vie.

Les psychologues peuvent intervenir à différents moments du parcours. Par exemple, nous sommes souvent appelés à aider les patients à surmonter l’arrêt des traitements et faire la transition vers des soins palliatifs. Nous travaillons également avec les patients à favoriser l’intégration de cette expérience à leur histoire de vie,  à donner sens à cette expérience et à ouvrir une voie au processus du deuil de soi et de sa propre vie.

Est-ce que tous les patients en soins palliatifs et leurs proches ont besoin d’accompagnement psychologique en fin de vie?

 La proportion de patients qui reçoivent ces services est très minime. Tous les patients en fin de vie ont besoin d’un accompagnement psychosocial ou humain, mais pas forcément par un professionnel de la santé. Un membre de la communauté ou un bénévole peut jouer un rôle important. Je suis formatrice au CHUM dans un programme spécialisé en soins palliatifs, et je forme notamment des bénévoles auxquels je signifie souvent que leur rôle auprès des patients est avant tout d’être des représentants de l’humanité. C’est important d’introduire de l’humanité dans une fin de vie. En revanche, des professionnels sont nécessaires dans des situations plus complexes.

 Pensez-vous que l’accès à des soins palliatifs qui prennent en compte la dimension psychologique est suffisant actuellement au Québec, ou y a-t-il des lacunes?

 L’accès aux soins palliatifs est déjà limité pour les patients, et dans le peu de ressources qui existent, il y a peu de services psychologiques. Je pense que c’est insuffisant, et même inquiétant. Avec l’avènement de la loi 2 sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie, il est important qu’on remédie à cette situation.

 Vous avez mis en place un projet* pour aider les parents avec un diagnostic de cancer et leurs enfants à communiquer, pouvez-vous nous en parler?

C’est un projet que j’ai amorcé vers 2010. Dans mon expérience clinique, j’ai vécu des situations difficiles avec des familles et je souhaitais mieux les outiller et offrir un accompagnement aux parents atteints de cancer. Cela a commencé avec la publication de 2 contes et un guide en 2013. Je travaille actuellement en collaboration avec l’UQAM (Dre Mélanie Vachon) et l’Université de Sherbrooke (Dre Déborah Hummel) sur un projet de recherche concernant cette thématique. Parallèlement à ça, notre équipe de psychologues travaille à développer un site WEB pour rejoindre le plus grand nombre de familles. Deux fondations nous aident dans ce projet, notamment celle du CHUM et la Fondation Virage. Nous souhaitons poursuivre avec le développement d’une bande dessinée pour les adolescents. De nos jours, les livres ne sont plus suffisants. Il faut se tourner vers d’autres médias pour rejoindre les familles plus éloignées vivant en région.

Il y a maintenant une journée nationale du deuil au Canada, pensez-vous que le deuil est bien pris en charge pour les familles où il y a eu un décès?

Actuellement le deuil n’est pas bien pris en charge à cause du manque de ressources. Autrefois, le CHUM offrait un tel service, ce n’est plus le cas. Les organismes communautaires font un excellent travail mais ne suffisent pas à la tâche. Par ailleurs, certains organismes ont dû fermer leurs portes faute de fonds ( ex. : la Maison Monbourquette et Parents-Étoiles). On gagnerait à ce qu’il y ait d’avantages de services, car un deuil peut être très éprouvant tant au niveau affectif que psychologique. Les proches doivent parfois interrompre leur vie active de façon prolongée. À l’aide de services adéquats cela pourrait être évité. En tant que société, nous serions en mesure de mieux soulager ces personnes.

 Avez-vous eu une expérience qui vous a particulièrement marqué avec des patients en soins palliatifs au cours de votre carrière ?

 Je me souviens particulièrement d’une jeune patiente de 27 ans qui avait un cancer du cerveau. Elle avait un imaginaire débordant et était une grande altruiste. Elle a perdu l’usage de ses jambes, puis de la parole. Elle a fait preuve de résilience et est toujours restée bien connectée à la vie. Cette patiente a été un professeur pour moi. J’ai beaucoup de gratitude envers elle. Il y a des gens qui ont une richesse intérieure immense pour faire face à leur réalité. Mais il y a aussi des situations qui demeurent conflictuelles. Une femme en soins palliatifs qui avait la quarantaine était en rupture avec sa famille et avait une relation difficile avec sa mère. Il n’y a pas eu de réconciliation possible. Elle avait même interdit à sa mère de se présenter à ses funérailles. Un jour, après le décès, sa mère m’a contactée et j’ai alors été témoin d’une grande détresse, c’était extrêmement triste. Nous n’arrivons pas toujours à dénouer toutes les impasses.

Avec les patients en soins palliatifs, chaque rencontre est unique. On est témoin de moments marquants que ce soit des fous rires ou des moments de tristesse et d’impuissance. Le grand défi pour les psychologues est d’être en mesure de tolérer le mal-être qu’on peut parfois éprouver face à de grandes souffrances et de l’intégrer rapidement afin de pouvoir se rendre disponible au patient suivant. C’est important d’être capable de reprendre rapidement son équilibre pour accueillir les patients qui succéderont, dont la réalité est tout aussi importante que le patient précédent.

*Plus d’information sur le projet « Luron, mon compagnon » ici : http://viragecancer.org/luron-mon-compagnon/

 

Entretien avec Sylvie Lepage, massothérapeute « accompagner les personnes pour qu’elles se sentent plus confortables »

Sylvie Lepage, Massothérapeute

Sylvie Lepage est massothérapeute, elle pratique en clinique privée, dans des centres hospitaliers du Bas-St-Laurent en collaboration avec l’Association du Cancer de l’Est du Québec, pour Leucan dans le service de massothérapie à domicile et pour la fondation de la Fédération Québécoise des Massothérapeutes. Elle est également directrice et formatrice pour Arborescence qui forme les massothérapeutes qui souhaitent se spécialiser auprès de la clientèle atteinte de cancer ou en soins palliatifs. Dans cet entretien, elle explique la place de la massothérapie dans les soins palliatifs.

Quel a été votre parcours? Depuis combien de temps travaillez-vous avec des personnes ayant des maladies incurables ou en fin de vie? Pourquoi ce domaine (la fin de vie) vous a-t-il particulièrement interpellé?

Je suis massothérapeute depuis 1998. Auparavant, j’étais travailleuse sociale. C’est la maladie de mon conjoint en 1994 qui m’a fait découvrir la massothérapie et qui a été le point de départ. J’ai par la suite suivi une formation spécialisée avec Mme Lyse Lussier. Aujourd’hui, je travaille notamment avec Leucan pour masser des enfants atteints de cancer. Je pratique également dans des centres hospitaliers du Bas-St-Laurent, ou en clinique privée avec des personnes atteintes de cancer, qui ont des diagnostics de maladies incurables, métastatiques qui présentent des contre-indications et des précautions particulières dans l’adaptation du massage.

Selon vous, quels bénéfices la massothérapie apporte-t-elle aux patients en fin de vie ?

La massothérapie est reconnue avant tout pour son impact physiologique. Le but est de réduire les sensations d’inconfort et la douleur des personnes malades. Dans ma pratique, je vois aussi un impact global au niveau de la gestion de l’angoisse, cela apaise les personnes qui vivent un stress important, notamment les patients atteints de maladies incurables ou en fin de vie. Au congrès des soins palliatifs en 2015, avec ma collègue Julie Jobin, nous avons présenté l’idée que le toucher en fin de vie peut avoir un impact sur le cheminement des patients vers l’acceptation. C’est une observation que moi et mes collègues voyons dans notre pratique, il y a souvent un impact sur les gens que l’on peut observer après le massage, ils sont plus ouverts, plus calmes. La massothérapie peut également aider les proches aidants qui sont à risque d’épuisement, ça a été mon expérience personnelle lorsque j’étais proche aidante pour mon conjoint, les massages m’ont aidée à tenir le coup.

Pensez-vous que la massothérapie est suffisamment accessible pour les personnes en fin de vie au Québec ?

Bien qu’il y ait eu des améliorations depuis quelques années, il y a encore du chemin à parcourir. Je pense que désormais tout le monde est conscient que le massothérapeute fait partie de l’équipe multidisciplinaire en soins palliatifs, mais ce type de soins n’est pas assuré de façon constante partout. Au niveau des maisons de soins palliatifs, la massothérapie est parfois vue comme un acte bénévole, ce qui est nuisible pour la continuité de ce type de soins auprès des patients. Certaines régions et établissements investissent dans ce domaine, comme l’hôpital Marie-Clarac à Montréal, ou celui d’Alma au Lac St-Jean. Des fondations jouent un rôle important dans l’accès à la massothérapie, comme la Fondation Aube Lumière ou Palliaco dans les Laurentides. Les patients ou leurs familles peuvent également décider de faire appel à un massothérapeute de façon privée. Pour les soins palliatifs à domicile, dont sont responsables les CLSC, ce sont également les fondations qui jouent un rôle important dans l’accès à la massothérapie et qui accepte de payer les services pour quelques heures par semaine.

Est-ce qu’il y a des défis particuliers pour masser les patients en fin de vie ? Est-ce que cela demande une formation spéciale ?

Au Québec, c’est de plus en plus reconnu qu’une formation spéciale est nécessaire. Pour travailler avec des patients en fin de vie, il faut adapter le geste de massage à la capacité de recevoir de la personne. Cela fluctue à chaque séance et demande de s’adapter à la condition du patient, à chaque fois. Il faut avoir des connaissances de la maladie et des bouleversements qu’elle entraine au niveau physique et psychique. C’est à la fois un savoir être et un savoir-faire. Je dis souvent aux personnes que je forme que le massage dans ce contexte est un espace de mieux-être. Il ne s’agit pas de viser la guérison de la personne, mais de l’accompagner pour qu’elle se sente plus confortable.

Un des enjeux actuels, c’est que certains milieux ne sont pas conscients qu’il existe un tel niveau de formation spécialisées pour les massothérapeutes et que croyant que le geste de massage est sans danger, ils ne requerront pas ce niveau de compétence. Mais le profil de formation prépare les massothérapeutes à être prudents et à adapter le geste du toucher à la réalité de la personne et de son environnement

Avez-vous eu une expérience qui vous a particulièrement touchée avec des patients en soins palliatifs au cours de votre carrière ?

Une cliente en privée qui était dans la négation de son état incurable et le refus des services m’a particulièrement marquée. Après le troisième massage à domicile, elle m’a dit « si c’est ça mourir, ça va être correcte ».  Et la semaine suivante, elle avait pris contact avec son infirmière pivot « pour savoir… » a-t-elle dit. Quelques semaines plus tard elle est décédée à la Maison Marie Élisabeth.

Je me souviens également d’un couple ou le mari avait été diagnostiqué avec un cancer. Il aimait les massages, même avant son diagnostic. La dernière séance avant son transfert en maison de soins palliatifs, sa femme errait dans les corridors de l’hôpital, elle pleurait. Elle a accepté que je lui donne un massage de la tête après avoir massé son mari. Après le repos, pendant que je massais la petite-fille du couple j’ai été témoin qu’elle a donné à son conjoint la permission de partir, il n’y avait plus de panique, mais l’acceptation. Son mari m’a serré la main et remercié pour ce moment.

J’ai suivi certaines personnes pendant longtemps, à travers les différentes étapes, les traitements qui fonctionnent, et puis cessent de faire effet, puis l’acceptation. Dans notre profession on ne met pas de mots, mais les gens expriment plus de choses après le massage, c’est pourquoi l’écoute est une part importante de ma profession.

Entretien réalisé par Laurène Souchet, coordonnatrice de l’AQSP

L’Association québécoise de soins palliatifs publie sa réponse à la consultation publique de santé Canada sur les soins palliatifs.

Le 12 juillet dernier, l’AQSP a soumis sa contribution à la consultation sur les soins palliatifs de Santé Canada. Cette consultation visait à aider le le gouvernement à élaborer un cadre pour les soins palliatifs au Canada.

Dans sa réponse à la consultation, l’Association souligne notamment les inégalités en matière d’accès aux soins palliatifs en fonction des régions, des milieux, et de la condition médicale des patients. L’AQSP évoque également la pénurie de médecins en soins palliatifs qui touche actuellement le Québec et ses conséquences sur l’accès et la qualité des soins palliatifs. L’Association souligne également les défis que rencontrent les patients et leurs proches aidants, et recommande de leur apporter un meilleur soutien.

Dans ses recommandations, l’AQSP a mis l’accent sur la collecte des données concernant l’accès et la qualité des soins palliatifs au Canada, et l’investissement dans la recherche en soins palliatifs.

L’Association préconise également de mieux reconnaitre la spécialisation en soins palliatifs et d’offrir des formations de qualité aux professionnels concernés, mises en place en concertation avec les ordres professionnels, les fournisseurs et les milieux de soins.

Enfin l’AQSP souligne l’importance de bien informer le grand public sur les bénéfices de l’approche palliative, et d’offrir aux patients et aux proches aidants l’information et l’accompagnement de qualité dont ils ont besoin.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le document complet ICI

Les médias parlent des lacunes dans l’accès en soins palliatifs et de la pénurie de médecins en soins palliatifs dans les nouvelles au Québec ces jours-ci!

Ces dernières semaines, un dossier important sur les soins palliatifs, avec trois articles Les signes de fins de vie (disponible ici) Apprendre à mourir (ici) et D’excellents à rien (ici), est paru le 26 et 27 mai dans La Presse que nous vous invitons à découvrir. La Présidente de l’AQSP, Dre Louise La Fontaine, ainsi que plusieurs de nos membres font partis des médecins cités dans ce dossier.

Le 31 mai le Collège des médecins a fait part de ses inquiétudes concernant la pénurie de médecins en soins palliatifs dans un reportage de David Gentile pour Radio-Canada Choisir l’aide médicale à mourir faute de soins palliatifs appropriés?, que vous pouvez retrouver ici. Le Président du Collège des médecins le Dr Charles Bernard, a aussi donné une entrevue à Radio Canada que vous pouvez écouter ici. Il s’inquiète de la pénurie de médecins dans le domaine des soins palliatifs, et indique que, faute d’accès à des soins appropriés, des patients pourraient être amené à choisir l’aide médicale à mourir. Il rappelle que le projet de loi 2 avait le souci de favoriser les soins de fins de vie, mais indique que les avancées et les investissements sont insuffisants. De plus Il note que les investissements dans la recherche en soins palliatifs sont encore timides. Le Dre Martel c’est également exprimer sur la pénurie de médecins en soins palliatifs a Radio Canada ici. Un médecin en soins palliatifs, Lucie Morneau, s’exprime dans la Presse pour indiquer qu’elle laissera son équipe en CHSLD sans médecin après son départ à la retraite ici.

La même question est aussi abordée dans les nouvelles anglophones au niveau canadien, avec un article sur CBC disponible ici qui cite La Dre Elisa Pucella, administratrice à la SQMDSP.

Louise La Fontaine c’est également exprimé sur la radio 98.5 pour dénoncer l’accessibilité inégale aux soins palliatifs au québec, dans une entrevue avec Bernard Drainville que vous pouvez réécouter ici .

Louise La Fontaine, présidente de l’AQSP, note que l’action du Collège des médecins et un appui de taille pour enrayer la pénurie de médecin et promouvoir un accès équitable aux soins palliatifs partout au Québec.

Entretien avec Réjean Carrier, travailleur social à la Maison Michel Sarrazin : « le travail social est une profession où les relations sont au cœur de l’intervention  »

À l’occasion de la semaine des travailleurs sociaux du 25 au 31 mars, l’AQSP vous présente un entretien réalisé avec Réjean Carrier de la Maison Michel Sarrazin à Québec. Il explique le rôle et les défis des travailleurs sociaux qui sont impliqués dans les soins palliatifs et de fin de vie.

Question 1 : Quel a été votre parcours ? Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans une maison de soins palliatifs ?

Je suis travailleur social depuis plus de 40 ans, dont 33 ans en soins palliatifs. Ma pratique en soins palliatifs s’est partagée entre le Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ) et la Maison Michel Sarrazin. J’ai rejoint l’équipe de la Maison Michel Sarrazin deux ans avant son ouverture pour réfléchir à ce que pourrait être l’accompagnement psychosocial dans une maison de soins palliatifs. J’y ai œuvré pendant huit ans auprès des gens en fin de vie et de leurs proches pour travailler par la suite au CHUQ. Dans cet établissement, j’avais aussi un rôle d’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches. De plus, un travail plus spécifique m’attendait, celui d’accompagner des personnes remettant en question leurs traitements soit en oncologie ou en hémodialyse. Comme à la Maison Michel-Sarrazin, en milieu hospitalier, j’ai côtoyé la souffrance globale vécue par les personnes malades et les proches. Après quinze ans d’engagement au CHUQ, j’ai choisi de revenir à la Maison Michel Sarrazin et à son centre de jour.

J’ai fait le choix de revenir travailler dans une maison de soins palliatifs, car c’est un lieu où, dès le départ, on reconnait la fin de vie. Nous travaillons tous avec le même objectif soit celui du confort global de la personne et de ses proches. À l’hôpital, il y a un travail de sensibilisation des équipes traitantes qui doit être constamment présent pour faire reconnaitre la souffrance du malade, l’importance de la relation de soutien auprès de lui et du rôle essentiel des proches. Dans la philosophie des soins palliatifs, les proches ont leur place ce qu’on oublie parfois.

Question 2 : Pourriez-vous décrire quel est le rôle et la mission d’un travailleur social en maison de soins palliatifs ?

Le rôle du travailleur social à la Maison Michel Sarrazin est de soutenir et accompagner les personnes et leurs proches pour les aider à vivre la dernière étape de vie le plus sereinement possible.

Au centre de jour je dirais que mon rôle est d’aider les personnes atteintes de la maladie et leurs proches à découvrir comment on vit quand on sait qu’on va mourir. Notons que je rencontre les personnes individuellement, en couple, en famille selon les besoins. J’anime également quotidiennement un groupe de soutien pour les personnes malades et leurs proches.

En premier lieu, on accompagne le patient en relation avec lui-même, pour l’aider à faire le point sur ce qu’il vit. La fin de vie est souvent un temps pour des bilans de vie, des réconciliations avec soi ou avec les autres, avec un objectif de retrouver une paix intérieure. Être en paix ne veut pas dire être sans peine. Par sa formation le travailleur social a un rôle de réassurer, d’aider la personne à cheminer et garder du pouvoir sur sa vie restante. Enfin, on est là pour aider la personne à demeurer vivante jusqu’u à la fin.

Le travailleur social a aussi un rôle de soutien auprès des proches pour les aider à accompagner leur malade, à ouvrir la communication avec ce dernier. Il aide également les proches à découvrir les besoins de la personne malade en fin de vie. Personnellement, je crois que le plus grand besoin de la personne en fin de vie est celui de la sécurité au plan physique par le biais des soins et au niveau affectif par la présence des personnes significatives. Les proches ont souvent besoin qu’on les aide à prendre conscience de ce rôle important.

Il va s’en dire que tout ce travail auprès des malades et des proches qu’il soit au centre de jour ou à la Maison ne peut se faire qu’en équipe.

Question 3 : D’après vos expériences les travailleurs sociaux sont-ils confrontés à des enjeux particuliers lorsqu’ils accompagnent des patients en soins palliatifs et leurs familles ? Sont-ils suffisamment outillés pour faire face aux problématiques de la fin de vie ?

Dans les universités, les étudiants sont de plus en plus sensibilisés aux soins palliatifs et à l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches. En complément aux formations professionnelles, je suis co-responsable pour la région de Québec, et ce depuis 15 ans, d’un groupe de développement professionnel pour les psychologues et travailleurs sociaux en oncologie et soins palliatifs. Ce groupe réunit principalement des professionnels des milieux hospitaliers et du maintien à domicile. Dans les milieux de soins, il semble qu’on ait peu l’occasion de partager sa pratique professionnelle entre intervenants. Cela permet de réfléchir à la philosophie des soins palliatifs, aux valeurs qui nous guident dans l’intervention et à l’intervention comme telle. Le principe premier de ces rencontres est d’apprendre les uns des autres. Les participants sont très fidèles à cette activité et expriment en tirer de grands bénéfices pour leur pratique.

Une difficulté rencontrée dans nos milieux présentement est celle d’avoir des équipes permanentes et stables. Dans notre système de santé, les professionnels passent souvent d’un contrat à l’autre ce qui fait qu’on peut se retrouver en soins palliatifs sans en avoir fait le choix. On est ainsi confronté à la fin de la vie sans y être préparé. Le danger serait ici d’aborder la fin de vie de façon technique en termes de résolution de problèmes plutôt que dans une philosophie d’accompagnement. La mort n’est pas un problème, mais un processus de vie naturel. La notion d’accompagnement de la personne m’apparait un message à porter dans tous les milieux de soins.

Question 4 : Selon vous quels sont les grands enjeux en soins palliatifs au Québec actuellement ? Quels changements souhaiteriez-vous voir ?

Il y a eu beaucoup d’évolution concernant la reconnaissance des soins palliatifs depuis 30 ans au Québec que ce soit dans les services à domicile, dans les hôpitaux. Ceci est extraordinaire. On y retrouve maintenant des équipes dédiées aux soins palliatifs. Parfois, je me questionne si les équipes sont toujours formées avec les valeurs et la philosophie des soins palliatifs.

Je crois que l’Association québécoise de soins palliatifs a un rôle à jouer pour sensibiliser les différents milieux de soins aux valeurs des soins palliatifs. Ce fut un des premiers objectifs de l’association dès sa création.

Un enjeu actuel concerne l’aide médical à mourir, ou il y a un travail d’éducation à faire auprès de la population qui ne semble pas toujours comprendre la différence entre l’aide médicale à mourir, les soins palliatifs, la cessation de traitements, la sédation en fin de vie, etc. Il est important de bien expliquer aux personnes concernées ces différents types de soins afin que les personnes malades et leurs proches puissent faire des choix éclairés en fin de vie. L’accès aux soins palliatifs demeure toujours un défi dans les différentes régions.

Nous devons aussi continuer à explorer la dimension de l’accompagnement de la personne et de ses proches pour mieux comprendre et saisir leur souffrance afin d’en arriver à un meilleur soulagement global. La souffrance reconnue contribue à briser l’isolement que la personne malade et ses proches connaissent parfois.

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