Entretien avec Sœur Luz Marina Rojas Arango, coordonnatrice des bénévoles à l’hôpital Marie-Clarac – « Je suis présente pour créer des liens de confiance »
Quel a été votre parcours ? Depuis combien de temps êtes-vous coordonnatrice des bénévoles ? Pourquoi avoir choisi les soins palliatifs ?
Je suis religieuse. J’appartiens à la congrégation des Sœurs de Charité de Sainte-Marie, la communauté qui a fondé l’Hôpital Marie-Clarac en 1965. En 2014, a été inauguré le pavillon Mère Anselme pour le service de soins palliatifs Oasis de paix, nom de notre unité. J’ai une formation de technicienne en soins infirmiers dans mon pays d’origine.
J’ai commencé comme bénévole à l’hôpital Marie-Clarac, et petit à petit je me suis découvert un don pour les soins palliatifs. J’ai fait la découverte de la force de la vie à travers la faiblesse et la mort comme un chemin vers la vraie vie.
Lorsque la précédente responsable des bénévoles a quitté son poste, on me l’a proposé et j’ai accepté.
Pourriez-vous décrire le rôle d’une coordonnatrice des bénévoles ?
En tant que coordonnatrice des bénévoles, j’ai un rôle technique et un rôle de soutien. Pour la partie technique, il s’agit de faire le lien avec les institutions partenaires, assurer le recrutement et la sélection des nouveaux bénévoles, ainsi que leur formation initiale et continue. Au jour le jour, je soutiens les bénévoles, je suis présente pour créer des liens de confiance, je les épaule et les conseille quand ils sont confrontés à des situations particulières. Certaines situations en soins palliatifs sont difficiles à vivre, alors les bénévoles doivent être aidés et outillés, c’est un apprentissage continu. Pour moi, chaque bénévole est très important, j’essaie de faire découvrir à chacun son potentiel et les outils qui lui sont propres.
Selon vous est-ce que les bénévoles sont suffisamment bien outillés actuellement, ou auraient-ils besoin de plus d’encadrement, de plus d’occasions de formations continues, etc. ?
La formation est toujours bénéfique et nécessaire pour se ressourcer, se questionner et améliorer les pratiques. Il y a déjà des formations disponibles avec des institutions partenaires, mais les soins palliatifs, c’est un océan, et nous avons toujours besoin d’avancer.
Avez-vous une expérience qui vous a particulièrement touchée dans le cadre de votre travail ?
Aux soins palliatifs, je vis de nombreuses expériences enrichissantes, tant avec les usagers et leur famille qu’avec les bénévoles.
Pour moi, chaque usager est un univers riche en expériences, et à travers eux, chaque fois, je découvre la force de la vie cachée dans les visages parfois défigurés par la maladie.
Comment oublier et ne pas être touchée par les usagers qui, pour chaque petit geste de délicatesse, malgré la fatigue me regardent avec un petit sourire reconnaissant, les visages de ces personnes qui se sont endormies entre mes mains et qui ont avec certitude reçu tout mon amour et tout mon respect comme dernier geste avant d’entrer définitivement dans la vraie vie.
Comment ne pas être touchée par les milliers de mots de remerciements de tant de familles qui se sont senties accompagnées, respectées, soutenues et aimées dans un des moments les plus difficiles qu’une personne puisse vivre : la perte d’un être cher.
Comment ne pas être touchée par les bénévoles qui se dévouent auprès des usagers : je revois l’image de telle bénévole qui coiffe délicatement les cheveux d’une usagère avec une douceur, une tendresse et un amour qui m’ont arraché des larmes, ou tel autre bénévole qui, tous les matins, a emmené M. X. qui ne se sentait plus bon à rien, chercher des journaux à l’entrée de l’hôpital pour les distribuer dans les chambres et au poste des infirmières. Comment ne pas être touchée par l’amour débordant des bénévoles, ces personnes qui, printemps, été, automne, hiver, laissent le confort de leur foyer pour offrir le meilleur d’elles-mêmes. Comme me disait un jour le fils d’un usager « vos bénévoles, sont des cœurs sur deux pattes ».
Vous participez au comité des coordonnatrices organisé par l’AQSP, qu’est-ce que vous apporte cette expérience ?
En effet, je participe au comité de l’AQSP qui réunit les coordonnatrices de bénévoles, à chaque fois que je reviens d’une réunion je me sens mieux outillée. Ce comité permet d’élargir mes horizons : on y apprend de nouveaux moyens, des éléments de savoir-être et de savoir-faire. Je suis très heureuse de pouvoir échanger sur nos pratiques, car mes expériences peuvent enrichir le travail des autres, comme les leurs enrichissent le mien. Nous avons des dilemmes communs, et grâce à ce groupe je me sens moins seule dans mon rôle avec cette occasion d’échanger. Cela permet aussi de comparer comment cela se passe dans les autres institutions, d’avoir des idées pour aider notre institution à évoluer.
D’après votre expérience, quels sont les grands enjeux pour l’avenir des soins palliatifs au Québec ?
Je pense que les unités de soins palliatifs répondent à un besoin très important de la société. Les usagers en fin de vie et les familles sont vulnérables; ils ont des besoins à la fois globaux et très spécifiques auxquels le personnel soignant et les bénévoles doivent s’adapter. Il y a des institutions qui existent depuis longtemps, mais il n’y en a pas encore assez pour répondre aux besoins de la population.
Un autre enjeu important est le manque de connaissances; l’ignorance et les préjugés concernant les soins palliatifs sont un cocktail qui favorise ce que j’appelle la mythologie qui entoure la fin de la vie et les unités de soins palliatifs, perçus à tort comme des lieux de douleur, de souffrance et de mort, alors qu’au contraire, les soins palliatifs sont des lieux de vie, où l’être humain devient plus humain que jamais, où la vulnérabilité devient un espace de rencontre, d’amour et de partage.
La personne en fin de vie a beaucoup à donner et à recevoir, la maladie et la douleur n’enlèvent ni l’amour, ni la vie, ni la richesse de l’être profond de chaque personne.